Dans ses Idées directrices, André
Green s’est assigné une tâche considérable. Il se
propose en effet d’« actualiser, en ce début de millénaire,
ce qu’il faudrait retenir des acquis de la psychanalyse, théorie
et pratique tout ensemble ». Quelque soixante ans après l’abrégé
de Freud, Green tente d’entreprendre une mise au point générale
et solitaire de la psychanalyse actuelle, pour en extraire le legs de la psychanalyse
à venir. La voie empruntée par le livre n’est toutefois
pas celle du tour d’horizon général. Plus personnelle,
l’approche de Green prend appui sur sa propre expérience, nourrie
des pensées de Winnicott, Bion et Lacan. Le dessein plus restreint
de l’entreprise s’en conçoit dès lors comme grille
de lecture pour aborder « le maquis de la littérature psychanalytique ».
Le périple commence par un bref rappel historique
des institutions psychanalytiques où, selon Green, aucune rupture ou
exclusion n’a jamais été le fruit des seules dissensions
théoriques. La première partie du livre, dont on peut regretter
la relative brièveté – une centaine de pages à
peine –, porte sur la pratique psychanalytique. Green s’y risque,
entre autres, à affronter la question controversée des psychothérapies
dans leur rapport avec la psychanalyse. Contrairement aux positions dures,
qui dans la psychothérapie ne verraient qu’un amas de psychotechniques
de suggestion (conseils, guidance, renoncement à la neutralité),
l’auteur entrevoit la possibilité d’y sauvegarder une « relation
psychanalytique avec cadre aménagé ».
Malheureusement, le nombre des thèmes et problématiques
abordés n’aura pas toujours permis à Green de dépasser
les sous-entendus et rappels du présupposé connu. Le lecteur
qui saura résister à cette présentation râpeuse
se verra néanmoins récompensé par la cadence et la pertinence
de réflexions cliniques qui ne laisseront pas inaltérée
sa perspective sur la pratique.
La partie théorique de l’ouvrage, de loin
la plus longue, manifeste à son tour la volonté d’empaqueter
dans un seul livre ce qui pourrait se déployer sur trois. Green y aborde,
à vitesse soutenue, des champs d’analyse aussi vastes que l’Œdipe,
le langage, la tiercéité, les représentations, les affects,
les inhibitions, les débordements, les hallucinations négatives,
les processus primaires et secondaires, sans oublier les incursions dans le
domaine de la philosophie et de la science. Il est clair, Green a des choses
importantes à dire, et rares sont les pages qui ne susciteraient pas
le désir de développements plus explicites.
En résumé, le parcours de la pratique et
de la théorie psychanalytiques s’avère ardu dès
les premières pages de l’ouvrage. La densité des propos
et la richesse des éléments traités ne requièrent
pas seulement une implacable concentration du lecteur, mais le supposent bien
introduit aux thèmes abordés. Quiconque y cherchera une introduction
à la psychanalyse contemporaine ou même à la pensée
de Green, s’en détournera déçu. Dans le cas contraire,
la lecture en vaut l’effort, même si la compacité s’y
marchande souvent au prix de l’allusion et du renvoi.