Thierry Simonelli
Narcissisme
destructeur et identification projective
(Exposé du 22 avril 2003 au groupe de travail sur le
narcissisme de l'ALEA)
1.Préliminaires
1.1. Une ambiguïté
dans la conception freudienne du narcissisme.
Malgré la porté clinique importante de
la découverte de la pulsion de mort et des pulsions destructrices, Freud
ne semble pas voir de rapport immédiat entre pulsion de mort et
narcissisme. Nulle part, il ne rapporte les résistances des états
narcissiques à l’inertie psychique et aux réactions
thérapeutiques négatives. Rosenfeld suppose que cela tient au fait
que pour Freud, le narcissisme primaire était dépourvu
d’objet. Ainsi, la résistance d’un retour au narcissisme
primaire lui semble différent de la réaction thérapeutique
négative, issue des pulsions
destructrices.
Il faut remarquer toutefois, dans Pulsions et Destins de pulsions, Freud
entrevoit le lien intime qu’il pourrait y avoir entre le narcissisme primaire
et la haine : « Avec l’entrée de l’objet dans
le stade du narcissisme primaire, on parvient aussi à la formation du
deuxième sens opposé à aimer : haïr. »
Dans le même article, Freud remarque que de ce fait, on pourrait s’imaginer
le premier rapport à l’objet comme teinté de haine. Dans
la relation à l’objet la haine « est plus ancienne que
l’amour ; elle provient du refus originaire que le moi narcissique
oppose au monde extérieur qui prodigue les excitations. »
1.2. Les développements de Karl Abraham
Abraham fournit une analyse plus poussée du
transfert négatif, notamment en relation avec les patients narcissiques.
En 1919 – « Über eine besondere Form des neurotischen
Widerstandes gegen die Psychoanalytische Methodik » (Gesammelte
Schriften Bd. 1) – il esquisse une forme de résistance
particulière qui s’exprime par la supériorité
hautaine, la distance, l’hostilité et la méfiance. (En
allemand : « ein ungewöhnliches Maß von
Trotz » qui s’articule au sentiment d’être
humilié et abaisse (gedemütigt) par toute remarque de
l’analyste.)
Cette disposition ne se
manifeste néanmoins pas nécessairement au grand jour ; le
plus souvent, elle se cache derrière une ardeur apparente à
coopérer. Abraham attribue ces phénomènes au narcissisme,
un narcissisme qui incite ces patients à inverser le rôle de
l’analyste et du patient (« [...] die Neigung sich mit dem
Arzt zu identifizieren. Anstatt ihm persönlich näherzukommen,
versetzen sie sich an seine Stelle. [...] Sie neigen zum Tausch der
Rollen, wie das Kind den Vater spielt », p. 279). Selon
Abraham, il existe une composante évidente d’envie (Neid)
dans ce narcissisme, ainsi que la volonté de surtout tout faire par
soi-même (« alles selbst und allein zu
machen »). Cette tendance s’accompagne d’un
dédain (Geringschätzung) non moins évident de
l’analyste.
Ainsi, selon Rosenfeld, Abraham a explicitement dégagé la pertinence
théorique et clinique de l’idée d’une articulation
du narcissisme et de l’agressivité. Toutefois, il a omis de rapporter
le narcissisme à la pulsion de mort.
1.3. La position particulière de Reich
Reich, récuse l’idée freudienne de la pulsion de mort.
Toutefois, il remarque également la disposition méfiante et critique
particulière de certains patients. Dans ses descriptions de l’armature
caractérielle (Charakterpanzer, charakterlicher Panzer, à
cuirasse, carapace, mais également: char d’assaut W. Reich, Charakteranalyse,
1997 [1933], Kiepenheuer und Witsch, p. 200-206), Reich souligne également
leur attitude hautaine, ironique et envieuse. Ces patients réussissent
souvent à faire en sorte que l’analyste se sente inutile, inférieur
et impuissant. En décrivant son travail avec un tel patient, Reich souligne
son « agressivité réprimée [...], dont la manifestation
la plus extrême jusqu’alors avait été les souhaits
de mort ». Malgré son refus de la pulsion de mort, et Reich
se voit contraint de souscrire aux descriptions de Abraham à partir de
son expérience clinique.
1.4. Les avancées de Mélanie Klein
Mélanie Klein a été la première à accepter
le renversement profond de la deuxième topique. L’ensemble de son
approche se fonde sur l’opposition entre pulsions de mort et pulsions
libidinales. Selon Rosenfeld, le mérite lui revient également
d’avoir été la première à mettre en lumière
le rôle fondamental de l’envie dans le transfert négatif.
Rappel :
Envie, avidité, et jalousie selon Mélaine
Klein («
Envy and Gratitude », 1957,
pp.176-235) :
L’avidité
(
greed) est un désir impétueux et insatiable qui
excède aussi bien les besoins de la personne avide que ce que
l’objet peut et veut donner. Sur le plan inconscient, fantasmatique,
l’avidité correspond à la tentative de complètement
vider le sein maternel et de le remplir ensuite par de mauvais objets.
L’avidité cherche la destruction de la créativité de
l’autre.
L’envie est une
expression orale-sadique ou anale sadique des pulsions destructrices.
L’envie représente le sentiment de colère ou de rage face
à une autre personne supposée posséder et jouir de quelque
chose de désirable. L’impulsion envieuse vise à lui enlever
ce quelque chose et à le gâcher, l’empoisonner, le
détruire.
La jalousie, quant à
elle, se fonde sur l’envie, avec la différence qu’elle se
tient dans un rapport entre deux personnes, au moins. La personne jalouse
s’intéresse principalement à l’amour d’une autre
personne, ressenti comme son dû, comme ce dû dont elle a
été privée par un rival.
L’image emblématique de
l’envie est celle du bébé qui envie le sein maternel –
le bon objet – du fait qu’il s’en sent dépendant et
surtout incapable de jamais pouvoir l’égaler. L’envie peut se
suffire d’une seule personne : la personne
envieuse.
Illustration clinique de
l’envie : l’analyste a formulé une interprétation
ayant eu un effet sensiblement bénéfique sur l’analysant en
le calmant, en allégeant son angoisse ou en changeant son humeur de
manière positive. Chez certains analysants, on constate alors un
renversement rapide de la situation. L’interprétation secourable
devient rapidement l’objet de critiques acerbes et d’un rejet
violent. L’analysant envieux en veut à l’analyste pour cette
interprétation et peut essayer de toutes ses forces de le
rabaisser.
La différence entre envie et avidité serait que l’envie
se sustente principalement de mécanismes de projection alors que l’avidité
repose en premier lieu sur des mécanismes d’introjection.
Selon
Rosenfeld, Mélanie Klein apporte une réflexion originale sur le
narcissisme. Tout narcissisme se déterminé par le rapport à
un objet introjecté, idéalisé qui, sur le plan du fantasme,
constitue une partie de soi ou du corps propre. Ainsi, l’état
narcissique se caractérise par un retrait de l’investissement des
objets externes vers les objets fantasmatiques internes.
Dans son travail avec les enfants,
Mélanie Klein a observé comme une constante psychique dans
l’attitude des enfants à vouloir en même temps
détruire et préserver leurs objets. C’était pour elle
la preuve de la pertinence clinique de l’opposition pulsions de
mort/pulsions de vie. Fidèle à Freud, Mélanie Klein pense
que les pulsions de mort constituent une tendance immanente à la
désunion, à la séparation et au clivage, alors que les
pulsions libidinales tendent vers l’union, la synthèse et
l’assemblement. Les premières angoisses naissent de
l’angoisse de l’éclatement, de la mise en pièces
d’un Moi faible en état de non-intégration
(≠ désintégration ;
Winnicott).
Dans son travail clinique, elle
s’est rendu compte que seule l’analyse du transfert négatif
pouvait donner lieu à une analyse subséquente des couches plus
profondes de l’inconscient
[1].
Ce faisant, elle a pu se rendre à l’évidence que
l’envie constitue l’une des modes d’expression de la pulsion
de mort. L’enfant ressent de l’envie à l’égard
de sa mère qui possède tout ce qu’il peut souhaiter, mais
qui lui reste désespérément inaccessible. L’envie est
donc accompagnée d’un sentiment de dépendance et
d’insuffisance.
Or, cette envie se manifeste également chez des patients narcissiques,
dans le transfert, à l’égard de leur analyste. Plus généralement,
l’envie inconsciente peut contribuer à tout transfert négatif.
Elle est l’un des moteurs les plus puissants de la réaction thérapeutique
négative.
2. Première conception de la psychopathologie du narcissisme
La première analyse du narcissisme pathologique chez Rosenfeld date
de 1963
[2].
L’une
des caractéristiques majeures des relations d’objet narcissiques
consiste dans l’identification projective ou l’identification
introjective
toute-puissante, c’est-à-dire dans la
suppression de la séparation entre la personne et ses objets. La
visée en est la scotomisation des pulsions agressives et surtout de
l’envie. Les défenses du narcissisme s’opposent donc
principalement aux angoisses
paranoïdes.
Au cours de l’analyse,
la personne narcissique se montre incapable d’accepter l’aide de
l’analyste et la dépendance que cela signifierait pour elle. Le
narcissique a tendance à soustraire le sens aux mots de l’analyste
afin de les rendre insignifiants afin se les approprier ainsi et de les faire
contribuer à son sentiment de supériorité.
Une variante de cette défense
s’observe chez des patients hautement intelligents qui refusent toute
interprétation et ne cessent de développer toutes sortes de
théories subtiles de leur côté ; théories qui
contribuent à leur sentiment de supériorité
toute-puissante. Rosenfeld observe que ces personnes se montrent convaincues
d’être en possession de tout ce qui est bien. Inversement, sur le
plan du fantasme, la relation à l’analyste apparaît comme
rapport à un dépôt de tous les mauvais objets, des pulsions
agressives, haineuses. Ce qui chez l’analysant se manifeste de
déplaisant doit pouvoir être déchargé sur
l’analyste. De cette manière, le narcissique parvient à se
protéger contre son envie de
l’analyste.
En rabaissant et en
dénigrant l’analyste, la personne narcissique essaye de se
défendre de voir dans l’analyste la « mère
nourricière » qui suscite son envie. Et c’est en
interdisant à l’analyste de devenir l’objet de son envie,
qu’il parvient gérer l’angoisse suscitée par ses
attaques envieuses inconscientes. Cette scotomisation de l’envie ne
réussit qu’au prix d’une idéalisation toute-puissante
du Moi qui finit par rendre difficile le rapport à la
réalité psychique et la réalité extérieure en
général.
Illustration
clinique : Un analysant non-psychotique, demande une analyse en
faisant part de son intérêt pour la psychanalyse, et en soulignant
en même temps qu’il n’en a aucun besoin. Il se voit
immédiatement en patient idéal qui ferait des progrès
époustouflants. Mais en réalité, remarque Rosenfeld, il
s’avérait rapidement que le travail analytique restait sans effet
aucun sur l’analysant. Bien que ce dernier soit très conscient de
ses problèmes avec son épouse, ses enfants et ses collègues
de travail, l’idée ne lui viendrait jamais d’y supposer le
moindre contribution personnelle. Pendant l’analyse, il se montre capable
d’adopter rapidement les interprétations pour les reformuler
à sa manière et se croire lui-même en être
l’inventeur. Dans ses rêves et associations, il apparaît
également que l’analyste est imaginé comme sa propre
création. Sa résistance, écrit Rosenfeld, donne le
sentiment d’un mur de pierres.
Le travail
analytique du narcissisme pathologique doit passer par la prise en compte
progressive de l’existence de l’analyste et par la
réactivation conséquente de l’envie et des sentiments de
frustration qu’elle sous-tend. Idéalement, une telle analyse
devrait mener à une perlaboration de la position dépressive,
c’est à dire à une intégration progressive des
pulsions agressives.
Mais ce cheminement reste constamment hanté par l’activation réactionnelle
de défenses schizoïdes violentes. Selon Rosenfeld, certains patients
arrivent en effet à dépasser ces défenses et à aborder
la position dépressive. C’est ce qui devrait encourager le traitement
psychanalytique des pathologies narcissiques.
3. Narcissisme pathologique, rage narcissique, « narcissisme destructeur »
Selon Freud, les personnalités narcissiques sont tellement préoccupées
par elles-mêmes, qu’un rapport à l’autre en devient
presque impossible. Dans la schizophrénie et la paranoïa, la libido
se détache des objets et du monde extérieur en général
pour se retirer sur le Moi. C’est la raison pour laquelle, selon Freud,
ces personnes n’étaient pas analysables
[3].
Incapables d’établir une relation de transfert avec l’analyste,
la relation analytique ne peut jamais être établie.
À l’instar de
Mélanie Klein, Rosenfeld conteste cette hypothèse clinique. Les
psychotiques ne sont pas seulement capables de mettre en place un transfert,
mais, malgré leur indifférence apparente, s’avèrent
être sujets à des transferts autrement plus massifs que les
névrosés
[4].
L’expérience clinique ne montre pas une absence de transfert, mais
un type de transfert très différent, un transfert narcissique
tout-puissant : « Dans leurs fantasmes, [les psychotiques]
semblaient faire des demandes insatiables à leurs objets, confondre soi
et les autres, mettre les autres en soi et
réciproquement.
[5] »
Cette
découverte amène Rosenfeld à introduire la notion de
relation d’objet narcissique, afin de soutenir, contre Freud, que les
états narcissiques ne sont pas sans objet. Les psychotiques se
caractérisent par une relation d’objet narcissique
toute-puissante : « J’avais à l’esprit la
manière dont les patients psychotiques utilisent les autres (objets) en
tant que contenants dans lesquels, se sentant tout-puissants, ils projettent les
parties d’eux-mêmes qu’ils ressentent indésirables ou
qui leur causent souffrance et
angoisse. »
Parmi les personnes de
caractère narcissique tout-puissant, il existe toutefois un type
particulier. Il est de personnes conscientes et fières de leur
côté destructeur et extrêmement sadique. D’où
l’extrême importance, selon Rosenfeld, de distinguer entre les
aspects libidinaux et les aspects destructeurs du narcissisme. Si le narcissisme
plutôt libidinal se caractérise par une idéalisation
excessive du Moi, le narcissisme destructeur se sustente du fantasme de la
toute-puissance de la propre destructivité et agressivité. Dans
ces derniers cas, toutes les relations impliquant un élément
quelconque d’amour, d’affection ou d’interdépendance
sont détruites
avec
plaisir.
[6] Il n’en reste
pas moins que ce narcissisme destructeur est extrêmement difficile
à mettre à jour. La personne animée par un tel narcissisme
semble avoir perdu tout intérêt dans le monde extérieur,
peut parler et se comporter avec la plus grande
indifférence.
Par le concept de
narcissisme destructeur, Rosenfeld entend en même temps outrepasser les
analyses de Kernberg et de Kohut.
À
Kernberg (1977,
Borderline Conditions and Pathological Narcissism), il
reproche de ne pas suffisamment avoir pris en compte le démêlage ou
la désunion (
Triebentmischung, Freud) de la pulsion agressive qui
tend à envahir l’ensemble de la personnalité.
La « rage narcissique » de
Kohut ne se conçoit que comme réaction à une blessure
narcissique, au sentiment d’être humilié, mal compris ou
méprisé. Contrairement à la rage narcissique, le
narcissisme destructeur prend systématiquement plaisir à blesser,
à rabaisser, à mépriser à rabaisser et fait se
concentrer toute l’énergie de la personne au maintient de sa force
sadique.
Le narcissisme destructeur recourt
principalement aux mécanismes de l’identification projective, tels
que conçus par Mélanie Klein. Le fait de projeter des parties de
son propre soi dans les autres conduit néanmoins également
à des sentiments de persécution, notamment à
l’idée d’être contrôlé par la personne
à laquelle on s’est identifié de cette
manière.
4. L’identification projective
La notion d’identification projective constitue
la pierre angulaire de la conception rosenfeldienne des schizophrénies et
des pathologies narcissiques, ainsi que de la profonde altération de la
« technique » psychanalytique qui en découle.
J’esquisserai brièvement quelques traits de la notion
d’identification projective et de son
destin.
Mélanie Klein
[7] reprend à
son compte l’idée de Winnicott
[8]
de la non-intégration (manque de cohésion) du Moi (≠ désintégration).
Les premières angoisses naissent de la pulsion de mort. La pulsion de
mort représente une tendance à la
dés-intégration.
L’angoisse de la
désintégration représente
la toute première angoisse. Le premier mécanisme de défense
face à cette angoisse est celui de la projection. La propre pulsion agressive/pulsion
de mort est déplacée et projetée
sur un objet extérieur
ou
dans un objet extérieur. Concrètement : dans le
sein maternel. En d’autres termes, la pulsion de mort est attachée
à un objet afin d’éviter le morcellement intérieur,
le morcellement du Moi. Ce faisant, on ne fait qu’échanger une
angoisse contre une autre angoisse : l’angoisse du morcellement intérieur
par l’angoisse face à un objet devenu mauvais. Le Moi a toutefois
plusieurs types de défense face à l’angoisse du morcellement :
- la projection de la pulsion de mort,
- le clivage de l’objet en bon et mauvais objet qui
préserve l’intégrité du bon objet face au
morcellement (-> défense schizoïde),
- l’idéalisation du bon objet en cas de
menaces de la part du mauvais objet (l’idéalisation est le
corollaire de la persécution)
- l’idéalisation pouvant conduire
jusqu’à la dénégation intégrale du mauvais
objet (-> défense maniaque)
- la « gratification hallucinatoire »
représentant le degré le plus haut de
l’idéalisation : idéalisation toute-puissante du bon
objet allant de pair avec l’annihilation toute-puissante du mauvais
objet
D’après Rosenfeld
[9], l’identification
projective relève d’un mécanisme de défense primitif
(Mélanie Klein) : « les bonnes ou les mauvaises parties
du soi sont expulsées du moi, puis, dans un second temps, projetées
dans des objets externes sous forme d’amour ou de haine. » Le
résultat en est la fusion des parties projetées du soi et
des objets externes. La personne s’identifie à l’objet externe
au point de devenir cet objet. Le bénéfice fantasmatique peut
consister dans l’acquisition d’un contrôle tout-puissant sur
l’objet aimé. Le danger, dans le cas dune projection de la haine
et de l’agression est la menace de représailles, c’est-à-dire
des craintes paranoïdes de la vengeance de la part de l’objet.
Rosenfeld entrevoit
également la possibilité d’une identification projective
plus primitive et primordiale, intra-utérine, qui
précéderait la séparation d’un soi et de
l’objet. Il s’agirait éventuellement d’un état
fusionnel du bébé et de sa mère analogue à un
« état psychosomatique ». Mais seul un
supplément d’observations cliniques permettrait d’apporter de
la lumière à cette
hypothèse.
<
Selon W. R. Bion
[10], le
mécanisme de defense de l’identification projective se situe sur le
plan du fantasme et suppose une fragmentation non seulement des objets, mais du
soi dans son ensemble : fragmentation de la pensée, de la sensation,
de l’attention, de la mémoire, du jugement avec éjection
consécutive dans les objets externes. Ces derniers sont alors
enveloppés, avalés, recouverts (
engufled) par ces parties
projetées :
« Chaque
particule est ressentie comme consistant en un objet réel
encapsulé dans le morceau de la personnalité qui l’a
enveloppé. La nature de cette particule complète dépendra
en partie du caractère de l’objet réel, disons un
gramophone, et en partie du morceau de la personnalité qui
l’enveloppe. Si le morceau de la personnalité se rapporte à
la vue, le gramophone, une fois qu’il joue, est ressenti comme regardant
le patient ; s’il se rapporte à l’ouïe, le
gramophone qui joue est ressenti comme écoutant le patient.
L’objet, enragé d’être ainsi enveloppé, se
gonfle pour ainsi dire, et se mélange et contrôle le morceau de
personnalité qui l’enveloppe : dans cette mesure, la particule
de la personnalité est devenue une
chose. »
[11]Ainsi,
l’identification projective est à l’origine des
« objets bizarres » (
bizarre objects) de la
schizophrénie.
La notion
d’identification projective implique un changement significatif de la
position et de la fonction de l’analyste, s’étendant
jusqu’à la critique de la notion même de technique
psychanalytique. On pourrait varier une formule de Lacan de la
manière suivante : on n’est pas analyste avec ce que
l’on
sait, on est analyste avec ce que l’on
est.
L’identification projective a pour effet
de produire des effets très particuliers
dans l’analyste, et
cela non seulement pendant la séance. Il est intéressant de
remarquer que Winnicott a été le premier à situer ces
phénomènes sur le plan du contre-transfert dans son article
«
Hate in the countertransference »
(1949)
[12]. Il y écrit :
« je pense que dans l’analyse de psychotiques, et dans les
derniers stades de l’analyse de personnes normales, l’analyste doit
se trouver dans une position comparable à celle d’une mère
face à son nouveau-né. [...] Une mède doit être
capable de tolérer sa haine envers son bébé sans en faire
quoi que ce soit. [...] La chose la plus remarquable concernant la mère
est sa capacité à être blessée tellement par son
bébé et de le haïr tellement sans en faire payer les frais
à son bébé
[...] ».
Rosenfeld décrit ces
phénomènes de manière saisissante : « [...]
les processus projectifs puissants ont pour résultat que
l’analyste, dans cette situation, peut faire distinctement
l’expérience contre-transférentielle qu’il n’est
bon à rien et qu’il n’a rien de valable à donner au
patient. Il peut même éprouver des symptômes physiques avec
de tels patients, si concrètes peuvent être leurs projections
expulsives ; il peut avoir des nausées tout comme le patient peut
vomir
réellement.
[13] »
L’identification
projective relève en grande partie des aspects non-verbaux du rapport
analytique : « [...] on peut constater facilement le pouvoir
qu’ont ces patients de créer une atmosphère
émotionnellement chargée. Quelques-unes de leurs projections
s’accompagnent de fantasmes pourvus d’un effet très
mobilisateur [...] De telles projections délirantes semblent exercer
une forte influence hypnotique sur l’analyste et peuvent le gêner
dans son fonctionnement. Elles peuvent conduire l’analyste à entrer
en collusion ou à commettre un
acting-out ou à se sentir
envahi et débordé par la
projection.
[14] »
« C’est pourquoi l’analyste doit apprendre à
contenir les sentiments que le patient suscite en lui pendant un temps notable,
avant de pouvoir les lui
interpréter. »
Face à
cette situation, l’analyse personnelle de l’analyste acquiert un
rôle fondamental. Rosenfeld mentionne « le rôle vital
d’une analyse personnelle ». Dans sa propre analyse,
l’analyste doit avoir touché à ses propres composantes
psychotiques, et doit avoir eu l’occasion de les élaborer ou de les
perlaborer au risque de se retrouver lui-même happé par des
mécanismes défensifs, suscités par ses analysants.
L’analyste se tient d’ailleurs dans une position
particulièrement délicate par rapport à cette question qui
lui reste d’autant plus invisible qu’il a tendance à
s’identifier à la position de l’expert, de celui qui
se suppose savoir. De même, l’étayage plus ou moins
rigide du travail analytique sur les canons d’une théorie
psychanalytique, sur l’identification à ses propres analystes,
superviseurs ou didacticiens contribuent aisément à la
scotomisation chez l’analyste de son contre-transfert et des
mécanismes de défense qui en découlent. Rosenfled note dans
ce contexte : « des tendances à fonctionner de
façon toute-puissante et omnisciente peuvent être
considérablement accrues » chez l’analyste. De même
qu’un analysant saurait se cacher derrière des termes
psychanalytiques, de même un analyste peut
se dissimuler et
dissimuler la particularité de la personne qui s’adresse à
lui en se rabattant sur l’universel d’une
théorie.
Vu la difficulté
de la démarche, on serait en droit de se demander pourquoi contenir
– c’est-à-dire accueillir – le côté
concret de l’identification projective ? Ne vaudrait-il pas mieux,
dans ce cas, retourner à une interprétation plus rassurante de
l’analyste comme miroir vide ou comme chirurgien insensible pendant
l’opération ?
D’une
part, si identification projective il y a, l’analyste s’y soustraira
difficilement. Le refus des effets déstabilisants de
l’identification projective ne pourraient consister que dans une
altération volontaire de la sensibilité de l’analyste
– pourtant censée être assurée par l’attention
librement flottante -, c’est-à-dire dans l’organisation
volontaire d’un écran protecteur face à
l’analysant.
L’analyste devrait
savoir accueillir en lui l’angoisse, la haine et la destructivité
pour pouvoir la penser et redonner les éléments de la
pensée à l’analysant. Si défense :
impossibilité de penser. Le rejet des éléments de
projection par l’analyste conduit à un embrasement et une
confirmation des angoisses paranoïdes de l’analysant.
Hanna Segal fournit belle illustration
clinique de la fonction de contenant de l’analyste. Une analysante se
sent happée par ce qu’elle appelle une « infection
microbienne généralisée » et qui affecte ses
humeurs et l’épuise. Elle sent que les microbes attaquent son
système nerveux, déréglant ainsi ses glandes et sa
pensée. Ces microbes s’en prennent également à ses
organes sensoriels qui, sous leurs attaques permanentes sont devenus
hypersensibles. « Il n’y a pas de doute, remarque Hanna Segal,
que ses persécuteurs internes ne fussent de l’espèce des
« objets
bizarres » »
[15].
Au
cours de l’analyse il s’avère que d’une manière
ou d’une autre, les microbes persécuteurs ont à faire aux
personnes de la vie quotidienne de l’analysante. Ces personnes, elle les
distingue en deux grandes catégories : celles qui dépendent
d’elle et qu’elle a la charge de soutenir - se sentant coupable
à chaque fois qu’elle manquait à son devoir de soutien -, et
celles, hautement idéalisées et en nombre bien moins important,
dont elle dépend elle-même. Les personnes dépendant
d’elle sont ressenties comme étant toutes au bord de la crise de
nerfs ou de l’écroulement mental. En ce qui concerne les personnes
dont l’analysante elle-même dépend – son mari, par
exemple – mais dont elle nie sa dépendance, il y a problème.
Car l’analysante a l’impression que ces personnes s’effondrent
progressivement à leur
tour.
L’urine représente un
élément très important dans le monde fantasmatique de
l’analysante. L’urine est le résultat d’un effondrement
et d’une désorganisation complète des objets internes. Cette
décomposition est telle qu’il n’y a même plus de
parties ou de morceaux : l’urine constitue le résultat
d’une dissolution complète en une matière homogène et
informe, un torrent de microbes.
Cette analyse
se passe plutôt mal, selon les dires de Hanna Segal, jusqu’au jour
où la patiente rapporte le rêve suivant : elle ressent un
besoin urgent d’uriner, mais le pot de chambre qu’elle trouve dans
sa pièce est recouvert par un beau tissu colorié ; ce qui le
rend donc inutilisable. Et cette impossibilité la met dans un état
de rage et de désespoir.
En se laissant
aller à ses associations sur ce rêve, elle le met en rapport avec
un événement de la veille. Téléphonant à son
analyste pour lui demander un déplacement de la séance, elle la
trouvait (son analyste) expéditive et un peu rude. Peu à peu, la
discussion commence à tourner autour de ses objets idéaux,
notamment du pot de chambre dans lequel elle pouvait déverser ses
microbes. Le pot de chambre s’en éclot donc comme ce qui peut
« contenir » son effondrement « sans
s’écrouler lui-même ». C’est à cette
place qu’elle repère également son analyste ;
l’analyse comme pot de chambre. En refusant cette identification –
du fait d’être brusque et brève – l’analyste
devient tout à coup inutilisable. L’identification projective ne
fonctionne plus, l’analyste devient aussi inutile, aussi
désespérante ou enrageante qu’un pot de chambre couvert.
Inversement, quand l’analysante voyait ou pensait que son analyste se
montrait pâle, malade ou affectée, elle se rassurait que le
transfert de son propre effondrement avait bien passé, qu’elle
avait réussi à la transmettre à son
analyste.
Rosenfeld accorde une fonction
clinique originale à l’identification projective : en analyse
l’identification projective constitue surtout un
moyen de
communication.
[16] En projetant
les parties indésirables dans l’analyste, l’analysant ne
s’en débarrasse pas seulement, mais il permet également
à l’analyste de les ressentir en lui, et de s’en rendre
compte ainsi sur le plan de son propre vécu. L’accueil de
l’identification projective ouvre le travail analytique à la
communication non-verbale. La projection répond notamment au fait que
l’angoisse ou la terreur de la formulation symbolique est trop importante.
L’angoisse excessive et les défenses massives qui en
résultent interdisent de dire et même de penser. En cela, ces
parties inconscientes de l’analysant se retrouvent dans l’analyste
qui doit, en même temps, être suffisamment perméable pour
accueillir l’angoisse, les désespoir, la haine et la
destructivité et rester en mesure de ne pas s’en laisser envahir ou
hypnotiser, au risque de perdre ses propre faculté de penser et de
parler. À lui donc de transformer les excréments nocifs en or, en
les restituant progressivement à l’analysant : « La
nature du transfert psychotique consiste dans l’opportunité
d’offrir la démonstration que des sentiments insupportables peuvent
être contenus et pensés de manière
créatrice. »
L’on
pourrait également penser à la belle formulation
d’André Green qui résume la problématique de
manière concise : « La réponse par le
contre-transfert (c’est-à-dire la réponse que
l’analyste fournit de manière actuelle par son travail de
verbalisation et d’inscription vicariant) est celle qui aurait dû
avoir lieu (mais qui justement n’a pas eu lieu) de la part de
l’objet.
[17] »
5.
Illustration clinique
L’aspect libidinal du narcissisme conduit à une surévaluation
du soi fondée sur son idéalisation.
[18]
Cette surévaluation se sustente d’identifications introjectives
et projectives toutes-puissantes. Il en résulte une sorte de confusion
entre les objets du monde extérieur idéalisés et le soi :
« tout ce qui se présente comme valable dans le monde extérieur
fait partie [du narcissique] ou est sous son contrôle tout-puissant ».
Ce type de
narcissisme a des effets négatifs certains, mais également des
aspects positifs, protecteurs. Il agit comme la protection majeure du Moi qui,
une fois égratigné, risquerait de rendre la personne excessivement
vulnérable et susceptible de se sentir humiliée et
frustrée. La manque de différenciation des deux aspects ou deux
types de narcissisme peut s’avérer désastreux dans le
travail analytique.
Le narcissisme destructeur
à son tour s’appuie sur une auto-idéalisation excessive.
Mais ici, l’idéalisation porte sur les traits destructeurs et
tout-puissants. Comme toute rapport investi à l’autre, toute
relation d’objet, tout amour implique un sentiment de dépendance et
donc le sentiment d’une certaine insuffisance ou faiblesse, le narcissisme
destructeur vise à la destruction de toute relation d’objet afin de
préserver la toute-puissance fantasmatique. Dans la réalisation de
cette tâche destructrice, le narcissisme destructeur possède un
large arsenal d’armes qui reposent toutes sur la dévaluation
de l’objet : supériorité, arrogance, critique,
rabaissement mais aussi l’indifférence ostentatoire, froideur,
désintérêt.
En analyse, ces
contre-mesures se manifestent dès que la toute-puissance risque de
montrer des failles. Cette découverte se fait jour avec des sentiments
d’humiliation. Les bonnes qualités de l’analyste
supposées faire partie de l’analysant lui sont désormais
perdues. Dès lors, le voile couvrant l’envie et la
destructivité se lève face à ce qui est ressenti comme
spoliation de la part de
l’analyste.
L’envie se manifestant
ainsi à l’égard de l’analyste peut être
perlaborée et diminuer progressivement. Les tendances destructrices,
quant à elles, restent néanmoins plus difficiles
d’accès. La violence qui peut être ressentie dans le
transfert à l’égard de l’analyste peut
s’avérer excessivement angoissante pour l’analysant. On
remarque également un renversement des tendances destructrices sur
soi : plutôt que de dépendre de l’autre, on
préfère se détruire
soi-même.
Dans l’analyse, cela
correspond à la réaction thérapeutique la plus
aiguë : le travail analytique est pavé de souhaits et de
projets d’interrompre l’analyse, par des passages à
l’acte, et par des souhaits ou actions auto-destructrices, pouvant aller
jusqu’à la dépression grave et les tendances suicidaires
(« disparaître dans
l’oubli »).
Selon Rosenfeld,
cette « force mortelle » correspond de près à
ce que la pulsion de mort freudienne tentait de décrire. Dans
l’analyse, elle devient plus forte, plus l’analysant tente de se
tourner vers la vie et de faire d’avantage confiance à son
analyste.
D’où la
nécessité de distinguer entre une organisation narcissique
défensive et active et la force destructrice qui en est
dissimulée. Les deux se soutiennent : « Le patient ressent
qu’il est mort ou que l’analyste est mort ou qu’ils mourant si
la force de mort est reconnue. » Cette mort intérieure peut
s’exprimer par le sentiment d’avoir détruit
définitivement son « soi secourable », son amour.
C’est le prix à payer pour la toute-puissance
fantasmatique.
Le rêve de
Simon :
Un petit garçon est
dans un état comateux, mourant d’une sorte d’empoisonnement.
Il est étendu sur un lit dans un cour, exposé à la chaleur
dangereuse du soleil de midi. Simon, assis à côté de lui ne
fait rien pour l’aider. Il se sent supérieur et critique par
rapport au médecin qui, lui, aurait dû comprendre ce danger et
apporter son aide.
Les associations
montrent que le petit garçon correspond au soi libidinal dépendant
et mourant à qui il interdisait toute aide par l’analyste.
Rosenfeld intervient en remarquant que même en se rendant compte de son
état mental, Simon ne fait rien qui puisse l’aider ou puisse aider
l’analyste à la sauvegarde du soi mourant. Il préfère
le meurtre de soi-même pour triompher sur l’analyste et lui montrer
qu’il est un
râté.
« Le
rêve illustre le fait que l’état narcissique destructeur se
maintient au pouvoir en gardant le soi infantile libidinal dans une condition
constante de mort ou d’agonie. Cependant, après un grand travail,
il était parfois possible de trouver la partie de Simon qui ne se sentait
pas auto-suffisante et morte, et de communiquer avec lui de telle manière
qu’il se sente plus vivant. Alors, il admettait qu’il aimait
s’améliorer mais bientôt il sentait que son esprit
s’évadait du cabinet de consultation. Il devenait si
détaché et endormi qu’il pouvait à peine rester
éveillé. C’était une résistance énorme,
presque comme un mur de pierre qui empêchait tout examen de la
situation.
[19] »
Seule
une interprétation fréquente et une confrontation
répétée au narcissisme destructeur apportait une
amélioration. Il s’y manifestait par ailleurs une collusion de
fantasmes masochistes avec le si souffrant et mourant. Dans une telle analyse
réussie, l’analysant prend lentement conscience du fait qu’il
est dominé par une partie infantile et toute-puissante de lui-même
qui l’attire à la mort, l’infantilise et
l’empêche de grandir en le maintenant à distance des
objets.
[1] Une remarque très importante
sur ce sujet se trouve chez Winnicott : « [...] we can note
immediately that Melanie Klein finds it good to interpret the unconscious
conflicts and the transference phenomena as they arise, and to form a relationship
with the child on the relief given by such interpretations; by contrast Miss
Freud tends to build up a relationship with the child on a conscious level
and she describes how she gets gradually to the work pf the analysis with
the conscious co-cooperation of the patient. The difference is largely a matter
of conscious or unconscious co-operation . », « Child
Analysis in the Latency period » (1958), dans D. W. Winnicott, The
Maturational Processes and the Facilitating Environment, Londres, Karnac,
1965, 2003, p. 119.
[2] Voir Herbert Rosenfeld, « On
the Psychopathology of Narcissism: A clinical Approach » (1964),
dans Psychotic States, Londres, 1965, 20004, Karnac, p.
169.
[3] S. Freud, « Zur Einführung
des Narzissmus » (1914), dans GW X, p. 139 : « [..]
die Abwendung ihres Interesses von der Außenwelt (Personen und Dinge).
Infolge der letzteren Veränderung entziehen sie sich der Beeinflussung
durch die Psychoanalyse, werden sie für unsere Bemühungen unheilbar. »
[4] À ce sujet, voir plus
particulièrement H. Rosenfeld « Transference-Phenomena and
Transference Analysis in an Acute Catatonic Schizophrenic Patient. »
(1952), dans Psychotic States, Londres, 1965, 20004, Karnac,
p. 104.
[5] Herbert Rosenfeld, Impasse
et interprétation, Paris, ???, Puf, p. 33.
[6] Ibid., p. 35.
[7] Mélanie Klein, «
Notes on Some Schizoid Mechanisms » (1946), dans Envy and Gratitude,
Londres, New-York, 1975, 1984, The Free Press, pp. 1-24.
[8] D. W. Winnicott, « Primitive
emotional development » (1945), dans Through Paediatrics to Psychoanalysis,
Londres, 1958, 2002, Karnac, pp. 145-156.
[9] Rosenfled, Impasse et interprétaiton,
pp. 185-190.
[10] « Differentiation
of the Psychotic from the Non-Psychotic Personalities », 1957, Second
Thoughts, Londres, Karnac, 1967, 1993, pp. 43-64
[11] Ibid. : « Each
particle is felt to consist of a real object which is encapsulated in a piece
of personality that has engulfed it. The nature of this complete particle
will depend partly on the character of the real object, say a gramophone,
and partly on the character of the particle of personality that engulfs it.
If the piece of personality is concerned with sight, the gramophone when played
is felt to be watching the patient; if with hearing, then the gramophone when
played is felt to be listening to the patient. The object, angered at being
engulfed, swells up, so to speak, and suffuses and controls the piece of personality
that engulfs it: to that extent the particle of personality has become a thing. »
[12] Voir D. W. Winnicott, Through
Paediatrics to Psychoanalysis, Londres, 1958, 2002, Karnac, pp. 194-203.
[13] Impasse et interprétation,
p. 196.
[14] Ibid., p. 25.
[15] Voir Hanna Segal, Introduction
à l’œuvre de Melanie Klein, Paris, 1969, Puf, pp. 60-62.
[16] Impasse et interprétation,
p. 37
[17] André green, Le
travail du négatif, Paris, 1993, Minuit.
[18] Impasse et interprétation,
p. 126.
[19] Impasse et interprétation,
p. 134.