Eric Sobel
Un essai sur l’Œdipe de
Sophocle
M’adonnant à un de mes loisirs
préférés, flâner dans les librairies, je
m’arrêtais à la fois surpris et étonné devant
cette littérature qui foisonne et emprunte le terme d’Œdipe
à toutes les sauces. Œdipe par ci, Œdipe par là, Œdipe toi-même.... Il semble que nous assistons de nos jours
à une profusion d’écrits faisant référence
à cette tragédie grecque et que nous ne cessons de voir fleurir
dans les bacs une multitude d’ouvrages à son effigie. Or que
voit-on dans ces écrits à y regarder de plus près ?
Lieux communs, évidences, réductions, résumés,
coupures, censures.... À dessein de quoi ? À dessein de
qui ?
Cette histoire semble connue, sue et partagée de tous.
Questionnez, interrogez, demandez autour de vous quelle est donc la
tragédie d’Œdipe ? Qu’a-t-il vécu ?
Qu’a-t-il fait ? Qu’a-t-il vu ? Chacun est susceptible de
répondre, chacun connaît son histoire. Comme un réflexe on
évoque la mort du père et l’inceste avec la mère. Du
point de vue féminin, les hommes parlent du meurtre de la mère et
d’inceste avec le père. En tout cas, il apparaît que le
trajet Œdipien suscite des sentiments, des réactions, des critiques,
des controverses, des envies..., et, semble tous nous concerner.
Or
lorsqu’une partie importante de la population est convaincue de la
même chose, lorsque l’opinion commune pense que la tragédie
d’Œdipe se résume « simplement » à
un plaisir sexuel et à un meurtre, ne peut-on pas voir ici à
l’œuvre un travail psychique à proprement parler? Que tant de
gens, tant d’individus se trouvent d’accord sur des mêmes
points, sur une même histoire semble déjà très
louche. Mais qu’en plus celle-ci ait perduré aussi longtemps, on
peut soupçonner à l’œuvre les produits de forces
très, très, puissantes... Que ne veut-on pas voir, que masque
cette légende, que nous cache-t-elle ? Pourquoi mettre autant de
forces afin de conserver la légende en l’état ?
Pourquoi mettre autant de forces pour s’entendre ? D’ailleurs
il est à noter que les tragiques grecs (Euripide, Sophocle et Eschyle
pour ne citer qu’eux), ne sont pas d’accord sur la question et ont
des versions différentes. Oh bien sûr, elles se ressemblent en
beaucoup de points, mais les distinctions sont toutefois notables (par exemple
en ce qui concerne le rôle de Laïos..).
Alors
plutôt que d’essayer de trouver une histoire commune aux uns et aux
autres, plutôt que d’essayer de rallier des individus, de
créer des associations avec les mêmes modes de pensée, de
s’entourer de personnes défendant les mêmes idées,
ayant les mêmes principes, de réduire Œdipe à un
même complexe, je me propose de revenir au temps des grecs où
chacun donnait sa propre version du « héros »
tragique..., et, par conséquent, de redécouvrir l’
Œdipe avec mes yeux, avec mes désirs, mes histoires, avec mon
corps.... À chacun son Œdipe !
Toutefois, avant de
rentrer dans l’histoire elle-même je veux juste indiquer quelles ont
été mes modes de lecture, mes deux gardes fous en quelque sorte.
J’ai tenté de ne pas coller mes idées, mes
pensées, mes sentiments, ce que l’on serait tenté de faire
en séance...mais bien de faire advenir l’échange,
l’écoute, le dialogue. Entendre ce que l’auteur tente de me
dire, être à l’écoute de ses propos, des formes
qu’il emploie. Qu’est-ce que cela fait surgir en moi, pourquoi
certaines choses et pas d’autres ? Le livre ne vient pas servir une
cause, ne vient pas servir une pensée, constituer des preuves à
mes réflexions, mes principes, mes théories..., non, le livre
vient ici éclairer, approfondir, discuter, interroger mes sensations. Il
ne s’agit pas de scléroser mes pensées afin de
m’auto-conforter dans mes attitudes, mes idées, « mes
certitudes ». Bien au contraire il s’agit de réinterroger
sous de nouveaux angles, avec d’autres vues, d’accueillir des
pensées comme on accueille des patients. Laisser venir les pensées
des autres en évitant les censures « naturelles » qui
surviennent encore trop facilement.
J’ai également
tenté d’accompagner ce mouvement d’accueil d’une
vigilance quant à la nature des questions posées. En effet, il ne
s’agit nullement d’interroger sous la forme du pourquoi, en
cherchant les raisons ou la raison dernière, piège d’une de
nos pensées, mais bien de raisonner à partir d’un mouvement,
d’un trajet, d’un parcours. Car il est un fait remarquable que les
questions d’Œdipe nous apparaissent avant tout comme des questions de
lieux : comment Œdipe se trouve là? Quels
événements jalonnèrent son parcours ? Comment est-il
passé d’un endroit à un autre?...
Alors si
l’on part de la fin de l’intrigue afin d’éclairer son
parcours, la question qui me vient est la suivante : comment Œdipe
est-il arrivé à se transpercer les yeux comme jadis son
père avait transpercé ses pieds ? Comment a-t-il
été chassé de Thèbes comme jadis il fut
chassé par ses parents ?
Mais avant d’en arriver
là, quel trajet ! Que d’embûches ! Que de
dangers ! En effet, Œdipe entreprend un voyage guidé par la
question des origines et va effectuer un retour vers son passé, reprendre
les chemins parcourus, repasser sur les traces de son enfance. Et pour accomplir
ce voyage, il s’engage entièrement, seul, car cette démarche
est personnelle : « Et ce n’est pas pour des amis lointains,
c’est pour moi que j’entends chasser d’ici cette
souillure »[1]. Aucune autre
personne ne peut refaire son trajet, lui seul peut revivre ses
événements passés. Chaque retour en arrière est en
cela différent, unique et singulier.
Mais désire-t-il
réellement effectuer ce trajet, revivre ses expériences, retourner
dans son passé ? Loin s’en faut ! Son parcours est
jalonné de barrières, de masques, de fuites, de défenses.
Œdipe met tout en œuvre pour s’empêcher de retourner vers
son passé, pour s’empêcher de revivre certaines
expériences. Et cette attitude est présente dès le
début de son trajet.
En effet, selon Sophocle, ce qui va
déclencher l’intrigue c’est l’insulte d’un
Corinthien signifiant à Œdipe qu’il n’est pas le
fils du roi Polybe. Dès lors le fils de Laïos va se rendre à
Delphes, consulter l’oracle afin de connaître qui sont ces parents.
Or Loxias ne répond pas à la question et le renvoie en lui
prédisant qu’il va tuer son père et épouser sa
mère. Œdipe effrayé s’enfuit de Corinthe pensant
éviter la prédiction de l’oracle. Nous remarquons ici une
première défense, une fuite physique. Pourquoi, en effet,
Œdipe cherche-t-il à s’enfuir de Corinthe si Polybe et Merope
n’ont pas nié qu’ils ne fussent pas ses parents? Pourquoi
Œdipe ne retourne-t-il pas à Corinthe en étant assuré
de ne pas causer malheur aux gens qu’il aime ? Pourquoi Œdipe
prend-il la direction de Thèbes plutôt qu’une autre
ville ?
Le paradoxe de cette fuite est que croyant partir pour de
bonnes raisons Œdipe ne fait que s’engouffrer vers l’endroit
qu’il souhaiterait éviter le plus au monde, à savoir
Thèbes et ses parents. Il pense contrôler la situation en rejetant,
en s’enfermant dans ses croyances, en refusant d’écouter
Polybe et Mérope. Il est totalement hermétique aux autres et
à lui-même. La fuite physique lui offre l’opportunité
de ne pas entendre, de rester campé sur ses positions, ses certitudes,
ses principes.
Œdipe donc, part de Corinthe et se dirige vers
Thèbes. En chemin il tue son père puis élimine la Sphinge.
De nouvelles défenses que ces meurtres, car en effet le meilleur moyen
selon Œdipe de ne pas voir ce qu’il est, de ne pas revivre ses
expériences, c’est de supprimer les représentations
gênantes qui seraient susceptibles de les lui rappeler. Etonnant comme
parcours, il vient d’apprendre qu’il allait supprimer son
père, coucher avec sa mère, vient de tuer plusieurs hommes sur sa
route, et malgré tout il continue son trajet vers une ville où une
Sphinge fait régner la terreur. Quels sont donc ces moteurs ?
Qu’est-ce qui peut bien pousser Œdipe à se rendre à
Thèbes plutôt que vers une autre ville sinon qu’à son
insu il sait peut-être les chemins qu’il lui faut emprunter pour
revivre ses expériences passées ? Il semble bien en effet
qu’Œdipe soit mû par des forces inconscientes lui indiquant une
direction à donner à ses recherches.
Œdipe
connaît son histoire. Il se refuse à la voir, il se refuse à
l’accepter mais il la connaît. De fait, les propos qu’il tient
en présence du Chœur sont sans
ambiguïté :
« Je voue le criminel, qu’il
ait agi tout seul, sans se trahir, ou avec des complices, à user
misérablement, comme un misérable, une vie sans joie...et si
d’aventure je venais à l’admettre consciemment à mon
foyer, je me voue moi-même à tous les châtiments que mes
imprécations viennent à l’instant d’appeler sur
d’autres. »[2].
Prémonition ?
Un
peu plus loin encore :
« Je me vois à cette heure en
possession du pouvoir qu’il (Laïos) eut avant moi, en possession de
son lit, de la femme qu’il avait déjà rendue
mère;»[3].
Œdipe
connaissait-il l’histoire du petit Œdipe? Du petit garçon
à qui l’on avait transpercé les pieds ?
Mais
Œdipe n’à que faire de ces indices, de s’écouter,
de s’entendre, de s’interroger. Non, il préfère
rejeter en bloc ce qu’il est et pour ce faire, va mettre au point des
techniques défensives très élaborées. Après
la fuite, les meurtres, vient la colère.
Œdipe fait
dépêcher Tirésias, afin de connaître le meurtrier de
Laïos. Or, Tirésias explique clairement qu’il ne serait venu
rencontrer le roi s’il avait su quel était l’objet de sa
requête. Œdipe surpris continue d’insister, puis se met
progressivement en colère jusqu’au point d’accuser le devin
en personne du meurtre de Laïos. Le « divin »
aveugle finit par annoncer à Œdipe qu’il est
lui-même le meurtrier de son père. Ici, la colère est
tellement importante, a tellement submergé Œdipe que ce dernier est
prêt à tout pour faire taire Tirésias. Il l’insulte,
le menace, puis le chasse de la ville : « Va-t-en à
la male heure, et vite ! Vite tourne le dos à ce palais. Loin
d’ici !
Va-t-en ! »[4].
En outre, dans ce même mouvement Œdipe projette ce qu’il
est en train de vivre sur la personne de Tirésias. Ainsi ne
souhaitant pas voir ce qu’il est, et ce bien qu’il le voit, il
« exporte » son sentiment sur la personne
d’autrui : « Non pas chez un aveugle, dont
l’âme et les oreilles sont aussi fermées que les
yeux ! », « Tu ne vis, toi, que de
ténèbres : comment donc me pourrais-tu nuire, à moi
comme à quiconque voit la clarté du
jour? »[5]. Plutôt que
de s’apercevoir que c’est lui qui vit dans ce monde de
ténèbres, plutôt que de voir qu’il n’a cesse de
refuser de s’entendre, Œdipe bâtit une nouvelle défense
en projetant ce qu’il vit sur la personne d’autrui. Il accuse ainsi
Tirésias de ne rien voir bien que ce soit lui qui soit aveugle.
Or,
il ne peut fermer les yeux devant l’infirmité de Tirésias et
cette vision lui est totalement insupportable. Alors plutôt que
d’accepter ses aveuglements et d’essayer d’en saisir les
mécanismes sous-jacents, il chasse le devin. Ici, Sophocle aurait
même pu ajouter l’expression « hors de ma
vue ! ».
Toutefois s’il a pu rejeter ce
qu’il avait sous les yeux, il n’a pu refuser d’entendre les
paroles de Tirésias. Œdipe accuse ainsi le devin d’être
manipulé par Créon. Ce dernier aurait fomenté un complot
contre la couronne afin de prendre possession du trône. Ce fantasme de
trahison est tellement puissant que Créon est obligé de justifier
son honorabilité et son désintérêt pour la
royauté. C’est tellement tenace que malgré ces
justifications, malgré l’intervention du coryphée,
Œdipe souhaite la mort de Créon.
Ici à nouveau,
Œdipe n’est pas dupe du tout, il le dit lui-même. S’il
doit laisser la vie sauve à Créon, s’il doit accorder une
once de vérité à ses propos, s’en est finit de
Œdipe roi de Thèbes : « Eh bien soit !
Qu’il parte ! Dussé-je périr à coup sûr,
ou me voir expulsé par force et ignominieusement de
Thèbes. » Ou encore Œdipe s’adressant au
Coryphée : « En ce cas, sache-le bien, tu veux ma mort ou
mon
exil.»[6]
D’un
point de vue psychique il est intéressant de noter que l’on passe
progressivement de la colère à la projection puis au fantasme. Les
défenses sont très bien huilées et permettent à
Œdipe de se boucher les oreilles, de rester les yeux fermés.
C’est un mouvement crescendo qui montre la souplesse des forces agissantes
au sein du personnage et aussi leur intensité croissante. Plus le fils de
Laïos refuse ce qu’il est et plus les défenses
s’intensifient. Le bénéfice si l’on peut dire
c’est qu’Œdipe reste campé sur ses croyances, reste dans
la rigidité, la fixité, l’immobilisme. En outre, il est
à souligner que ces mouvements s’accompagnent d’actes de
clairvoyances et de lucidité, qu’Œdipe ne parvient pas
à écouter, tant toutes ses énergies sont tournées
vers l’élaboration et le maintien de ces défenses.
Un autre exemple de ces constructions apparaît lorsqu’un
Corinthien vient annoncer la mort de Polybe. En effet, de façon
immédiate Œdipe va fabriquer une vérité qui
l’accommode. Polybe mort, Polybe étant son père, les oracles
ne disent pas la vérité : « Ah ! Femme, qui
pourrait désormais recourir à Pytho, au foyer
prophétique ? Ou bien ces oiseaux criaillant sur nos
têtes ? »[7]. Or
cette pensée n’est pas celle d’Œdipe mais plutôt
celle de Jocaste qui quelques vers auparavant déclamait :
« Désormais en matière de prophéties, je ne
tiendrai pas plus de compte de ceci ou de
cela. »[8]. Œdipe va
chercher chez sa mère ce qu’il souhaite, il s’approprie une
idée qui lui convient et renforce un peu plus ses
certitudes.
Néanmoins quelque chose le tourmente, la seule
pensée de Jocaste est insuffisante. Au contraire si l’une des
questions relative à son père semble réglée, une
autre relative à sa mère apparaît. Et c’est à
ce moment que l’énigme bascule, les indices
révélés par le corinthien sont trop importants pour que
Œdipe ne prenne pas conscience de son histoire, de ses origines. Il ne peut
rester indifférent aux propos que l’on vient de lui rapporter. Et,
il a besoin de voir, il a besoin d’entendre qui sont ses parents :
« Le serviteur : Hélas ! J’en suis au
plus cruel à dire. Œdipe : Et pour moi à
entendre. Pourtant je
l’entendrai. »[9]. Ici
les forces en action le poussent à savoir, à reconnaître.
Ces forces sont trop puissantes pour être arrêtées,
stoppées par toutes les défenses qu’il a pu bâtir. Ce
sentiment est féroce car connaître ses origines ne lui suffit pas
il désire les entendre, il désire que le serviteur les prononce.
Apprenant la vérité sur ses origines il ne peut
néanmoins en accepter la réalité. Et d’un geste
terrible il se crève les yeux. Œdipe pense ainsi qu’en
supprimant physiquement les organes de sa vue, il pourra tout oublier, il pourra
tout cacher, tout masquer : « Ainsi ne verront-ils plus (ses
yeux), ni le mal que j’ai subi, ni celui que j’ai
causé; »[10]. A
nouveau Œdipe se mure derrière ses certitudes et malgré la
réalité cherche à tout prix la fuite. Il s’en prend
à « lui », à son corps et s’inflige des
souffrances physiques.
Ainsi Œdipe a d’abord fuit Corinthe,
tué son père, éliminé la Sphinge, chassé
Tirésias, accusé Créon, tué sa mère et enfin
s’est percé les yeux. On remarque ici un mouvement qui refuse de
voir la réalité, qui la rejette massivement. Et pourtant
Œdipe sait parfaitement où repasser pour redécouvrir ses
origines. En effet, il connaît le chemin puisqu’il revient à
Thèbes, où en route il rencontre son père, sa mère
et tous les protagonistes qui prirent part à son premier exil.
Alors
qu’a-t-il construit pour se faire si peur ? Que pense-t-il avoir
fait ? Par quoi pense-t-il être angoissé ? Par quoi
pense-t-il être menacé ? Qu’essaie-t-il de sauvegarder
à tout prix? Qu’est-ce qui le pousse à se défendre de
la sorte, à s’enfuir physiquement, à s’enfuir
psychiquement, à ne pas vouloir entendre, à ne pas vouloir voir,
à tout mettre en oeuvre pour se fermer les
yeux ?
L’opinion commune pourrait répondre de
manière immédiate : le meurtre de son père et
l’inceste avec sa mère. En somme l’histoire
d’Œdipe ne se résumerait qu’à ces deux faits. Car
en effet s’apercevoir que l’on a commis ces gestes serait totalement
insupportable et il est compréhensible que quiconque aurait agit de la
sorte mettrait tout en œuvre pour oublier, pour fuir, pour ne pas
redécouvrir ces actes. Mais ces mots de meurtre, d’inceste ne
masquent-ils pas autres choses ? En effet, on croit avoir tout dit lorsque
l’on use cette terminologie et l’on pourrait s’en contenter.
Or que recouvrent ces actes ? Par quoi sont-ils mus? Œdipe ne
serait-il pas également effrayé par la puissance de ses
sentiments ? Par la puissance de ses forces qui le poussent à agir
ainsi ? Certes, la réalité est effrayante, absolument
insoutenable, mais derrière elles se cachent les forces, les puissances
qui agissent chez Œdipe.
De fait, lorsqu’il redécouvre
ses origines, il met à jour la puissance de ses désirs, la
complexité de ses forces. Il est effrayé par tant de richesses.
D’ailleurs, on peut supposer que la prise de conscience des actes
qu’il vient de commettre doit être au moins aussi effrayante que la
prise de conscience des forces qui les sous-tendent.
Et en effet, il
n’est qu’à reprendre le récit pour apercevoir une
profusion de sentiments divers. Créon tout d’abord sur lequel il
s’appuie pour aller voir l’oracle et savoir que faire pour
délivrer Thèbes de la peste. Il a confiance en lui, c’est
une sorte de bras droit, de conseiller, c’est plus qu’un ami,
c’est même « le meilleur des hommes
»[11]. Or, dès
qu’intervient Tirésias, il devient le fomenteur du complot
organisé contre lui. Œdipe passe d’un sentiment où
s’expriment des tendances liées à l’amour à un
sentiment où s’expriment des tendances liées à la
haine. D’ailleurs il ira même jusqu’à souhaiter la mort
de Créon. Qu’est-ce que peuvent bien représenter
Tirésias et Créon à ce moment du récit pour
qu’Œdipe éprouve une telle haine?
À y regarder de
plus près Œdipe ne supporte pas que le devin puisse être un
rempart entre Créon et lui. D’ailleurs il le lui indique
clairement : « Déjà tu te vois sans doute debout
auprès du trône de
Créon. »[12], alors
que le présent est tout autre. Ici Œdipe semble avoir
élaboré un fantasme où Tirésias représente un
ennemi et Créon un amant, et ces sentiments lui sont totalement
insupportables. Il y a un double rejet. D’une part, il ne peut imaginer un
seul instant « partager » son amant et d’autre part,
il ne peut accepter ressentir des sentiments amoureux envers Créon. Il
met tout en œuvre pour ne plus entendre, ne plus écouter leurs
propos. Œdipe crée une autre réalité, sa
réalité, à travers laquelle il confère à
Créon non plus un statut d’ami mais peut être plus que cela,
peut être une figure paternelle. Dès lors mieux vaut
s’enfermer dans ses certitudes que de s’apercevoir que l’on
puisse désirer le substitut d’un père.
De la
même façon Jocaste est encensée, aimée, à tel
point que même dans son plus grand désarroi Œdipe ne
s’en remet qu’à elle. Or plus les indices augmentent, plus la
réalité se fait jour, moins Œdipe accepte l’attitude de
Jocaste. Et de fait il va mener ses recherches jusqu’au bout malgré
l’avertissement de celle-ci : « Non, par les dieux !
Si tu tiens à la vie, non n’y songe plus. C’est assez que je
souffre, moi. »[13]. Ici
Jocaste prévient Œdipe clairement que s’il continue,
s’il poursuit ses recherches un grand malheur adviendra. Mais Œdipe
n’à que faire de ses recommandations. Jocaste n’est plus
écoutée, n’est plus entendue, n’est plus aimée.
Œdipe sait quel malheur pourrait se produire, et ce malheur il le
désire : c’est le meurtre de sa mère. Quel enfant
accepterait en effet être abandonné, accepterait que sa mère
veuille le supprimer ? Il se refuse de voir Jocaste telle qu’elle est
c’est à dire comme quelqu’un qui jette toutes ses forces dans
la bataille pour sauvegarder son ménage et sa dignité. Il ne
l’écoute plus. Ce fantasme est si puissant qu’Œdipe
refuse de comprendre et reste attaché à ses constructions
imaginaires.
Au début de ses recherches Œdipe,
éprouve un sentiment d’estime et de profond respect à
l’égard de son père, Laïos. Il le signifie
lorsqu’il questionne Créon pour savoir quelles furent les raisons
qui empêchèrent les thébains d’enquêter sur la
mort de leur roi. A ce moment de l’intrigue, il qualifie Laïos de
« meilleur des
rois »[14]. Et pourtant,
pourtant Œdipe a commis un meurtre sur la personne de son père. Mais
quelle personne pourrait-on se demander ? En effet, ce n’est pas ici
le roi qui a été tué mais bien une représentation de
celui-ci. Plutôt que d’accepter la réalité et
céder le passage à un vieillard, Œdipe s’enferme dans
ses certitudes et ses principes pour commettre l’irréparable. Que
refuse-t-il de voir ? A-t-il été touché de plein fouet
dans son orgueil, non pas parce qu’on ne voulait pas lui céder le
chemin mais peut-être parce qu’il ne fut pas reconnu ? Comment
Laïos son propre père n’a-t-il pas pu s’apercevoir
qu’il se trouvait face à son fils ?
Multiplicité des sentiments à l’égard de
ses enfants également. En effet, Œdipe une fois les yeux
percés et avant de commencer son exil émet deux souhaits.
D’abord que Créon ne s’occupe point de ses garçons
puisqu’ils sont devenus des « hommes » (toute cette
pensée exprime la fierté d’un père ayant
réussit la formation de ses fils). Ensuite, qu’il prenne soin de
ses filles et qu’on lui permette de les caresser avant son départ.
Le terme traduit est
« palper »[15],
de là à y voir un désir incestueux...
Or quelques
pages plus loin, Œdipe jettera une malédiction sur ses fils en
s’adressant à Polynice : « que, sous une main de
frère, tu tues et succombes à la fois, victime de celui qui
t’a banni ! Voilà comment je te
maudis »[16]. De la
même façon en s’exilant, en mettant à nue sur la place
publique ses découvertes, Œdipe, a provoqué la mort de ses
filles.
La renonciation aux idéaux qu’il s’est
forgé « pour » ses enfants est insupportable, est
impossible. Il ne parvient pas à accepter les différences et
rejette tout ce qui ne correspond pas à ce qu’il avait
« souhaité pour eux ». Il se refuse de voir ce que
sont ses enfants et reste enfermé dans ses constructions psychiques.
Meurtre de la mère (Jocaste-Œdipe), inceste père
fille (Antigone, Ismène / Œdipe), inceste père fils
(Créon-Œdipe), meurtre des fils, du père..., tous ses
sentiments sont à l’œuvre chez Œdipe. Et, face à
une telle richesse, face à de telles forces il est compréhensible
qu’Œdipe ait pris peur au fur et à mesure qu’il
dénichait des indices, au fur et à mesure qu’il revivait ses
histoires. La sexualité est multiple, elle est dirigée vers un
homme, vers une femme, vers des enfants..., tout comme le meurtre. En outre,
dans cette prise de conscience de la multiplicité des forces qui le
caractérise, Œdipe s’aperçoit de la puissance de
celles-ci et de ses limites. Il n’a pu arrêter ses
mécanismes, il n’a pu reconnaître ce qui était
à l’œuvre chez lui, comment les fantasmes et les idéaux
se sont forgés. Il constate après-coup comment cela s’est
déroulé, il n’a plus d’emprise, il n’a plus de
moyen de revenir en arrière. Lui, le déchiffreur
d’énigmes comment n’a-t-il pu voir toutes ces forces qui
agissaient en lui ? Comment après avoir vaincu la Sphinge, comment
après avoir sauvé Thèbes n’a-t-il pu percevoir les
sentiments qui l’animaient ? Mieux vaut encore mourir...
« Si j’étais mort à ce moment (lorsque je fus
sauvé par un berger), ni pour moi ni pour les miens je ne fusse devenu
l’affreux chagrin que je suis
aujourd’hui. »[17]
En outre en prenant conscience de la richesse de ses sentiments, il
s’aperçoit également de ce qui se déroule chez autrui
et notamment, leurs désirs, leurs fantasmes et leurs idéaux. La
perception se fait à double niveau, elle correspond à la fois
à remarquer ce par quoi Œdipe est agis et ce par quoi les autres
sont agis. C’est une sorte de mouvement interactif et incessant entre
Œdipe et autrui. C’est grâce aux autres qu’il se
découvre et c’est à travers lui qu’il découvre
les autres.
Alors que va-t-il découvrir ?
Chez
Laïos tout d’abord, qui d’une part éprouve le
désir de tuer son fils et d’autre part, éprouve de
l’amour envers le jeune Œdipe tant il ne peut se résoudre
à accomplir le meurtre de l’enfant et qu’il confie cette
tâche à son épouse. Que représente le jeune
Œdipe pour le roi ? Chrysippe peut-être ?
Jocaste
ensuite qui a une attitude très troublante. Car comment n’a-t-elle
pu reconnaître son fils ? Comment connaissant les prédictions
de l’oracle, étant suffisamment âgée pour être
sa mère, ayant vu ses pieds transpercés, n’a-t-elle pu
déduire qu’elle se trouvait face à son fils ? A moins
qu’elle ne fît tout pour ne pas le voir et qu’au contraire
elle désirait coucher avec lui en faisant d’Œdipe autre chose
qu’Œdipe. D’ailleurs s’adressant à une de ses
représentations, elle tient d’étranges propos à cet
égard : « Ne redoute pas l’hymen d’une
mère : bien des mortels ont déjà dans leurs
rêves partagé le lit
maternel»[18]. Alors d’un
côté elle remet l’enfant au berger afin de le supprimer et
d’un autre côté elle épouse Œdipe et a des
enfants avec lui.
Cette multiplicité des sentiments est apparente
chez ses enfants également. Antigone qui d’un côté
maudira sa lignée (« De quels coupables suis-je issue,
misérable ! »[19]),
et, de l’autre côté, se sacrifiera pour celle-ci. Pour son
père d’abord puis pour son frère. Sans la construction
d’idéaux, de principes, aurait-elle pu même continuer
à vivre ?
Polynice aussi, qui finira par exclure de
Thèbes le père qui l’aida à se construire en tant
qu’« homme »[20] en rejetant la réalité, en rejetant ses origines, en imaginant
être issu d’un autre sol.
Œdipe découvre donc
que ces forces agissantes en lui sont également présentes chez
l’ensemble des personnes qui l’entourent. À des degrés
divers, avec des intensités différentes elles caractérisent
l’ensemble des protagonistes. D’ailleurs la prise de conscience de
Œdipe est terrible: « J’apparais aujourd’hui ce que
je suis en fait : un criminel issu de
criminels.. »[21]. Chez un
même personnage coexiste une multiplicité de sentiments, amour,
haine, confiance, peur, angoisse... Chacun d’entre eux se crée,
notamment, des fantasmes et des idéaux qui d’une part, leur font
prendre la réalité pour ce qu’elle n’est pas et qui
d’autre part, leur sont très utiles pour vivre. Car en effet
serions-nous réellement capables d’accueillir tout type
d’affects, de vivre sans filtres, sans interprétations, sans
élaborations psychiques ? On peut même penser que sans ces
forces la vie serait bien terne. De fait la question qui vient alors est celle
de savoir qui construit ces fantasmes, qui construit ces idéaux, qui
construit ces édifices psychiques ?
Prenons
l’exemple d’Œdipe dans sa relation avec Jocaste. Qui
désire Jocaste ? Qui désire la tuer ? Est-ce le
même Œdipe ?
Après l’épisode de
Créon, Œdipe s’en remet à Jocaste comme un enfant
s’en remettrait à sa mère. Il ne croit pas les propos de son
oncle, il a besoin de réconfort, de tendresse, d’une épaule
afin d’évoquer ses malheurs. Or plus l’intrigue se
déroule, plus les indices se dévoilent et plus une nouvelle
facette du personnage va apparaître. Il insiste pour découvrir,
pour obtenir des réponses, et le fait vivement savoir à
Jocaste : « Je ne te croirais pas, je veux savoir le
vrai. »[22]. Ici,
Œdipe ne recherche nullement le réconfort, il ne veut même
plus écouter sa mère. Ce n’est plus le même Œdipe
qui s’exprime, ce n’est plus le petit garçon, c’est
l’adulte qui veut savoir. A la richesse des sentiments qui
caractérisent l’ensemble des protagonistes s’ajoute
également la multiplicité des formes que peut prendre un
personnage. Parfois, enfant, parfois père, parfois mère,
adolescent..., les combinaisons sont à la fois diverses et variées
et pour chaque état il existe une pluralité de forces, une
pluralité de sentiments.
Mais ici à nouveau le langage et ses
mirages nous emmènent vers des chemins troubles et confus. Car lorsque
l’on utilise pour qualifier une situation l’état d’une
personne, c'est-à-dire qu’il serait parfois adolescent, parfois
mère, parfois père, parfois enfant.., on essaie de figer les
choses, de les rigidifier, de les rendre immobile. Or ne cherche-t-on pas
plutôt à décrire un contexte connu dans lequel se retrouve
l’individu ? Par exemple, lorsqu’Œdipe retrouve son
père il se met dans une situation qu’il a déjà
connue. Il réagit de la même façon que lorsqu’il se
fait provoquer par le corinthien au début de l’intrigue. Il y a
comme une sorte de répétition où Œdipe
dégoupille à chaque fois qu’il n’est pas reconnu.
À ce moment Œdipe réagit comme lorsqu’il était
enfant certes, mais plus précisément, il se replace dans une
situation anciennement vécue, anciennement éprouvée,
anciennement créée. Plutôt que d’essayer
d’apercevoir dans quels rais il est pris, il répète ce
qu’il connaît, il recrée les affects ressentis lors de sa
jeunesse. De sorte qu’il bénéficie de la connaissance du
terrain, qu’il se croit pleinement rassuré et qu’il croit
pouvoir faire face à la situation. Ces « positions »
reflètent des situations dans lesquelles Œdipe s’est
déjà trouvé, a déjà réagi et à
partir desquelles il a bâti des règles, des principes, des
habitudes, des réflexes. Plutôt que d’accueillir les
situations telles qu’elles se présentent, plutôt que de
respirer le présent, plutôt que de se laisser surprendre, il essaie
de calquer, de copier ce qu’il a vécu, de reproduire les affects
éprouvés. Le changement est alors vécu comme une
angoisse.
À travers les chemins reparcourus par
Œdipe, nous avons pu observer de nombreux mécanismes présents
au sein de la cure analytique. Je pense ici aux éléments
déclencheurs qui permettent aux individus d’entreprendre une
analyse. Je pense également à ce savoir qui est présent
chez le patient et qui le mène par des chemins qu’il a
déjà parcourus. Mais également à ses défenses
qu’il n’a de cesse d’élaborer. À ce besoin
d’entendre ce qu’il sait déjà...
Nous avons pu
observer également que le personnage d’Œdipe se
caractérise par une richesse de sentiments, par une profusion de forces
qui l’anime. La palette est très large et peut aller de
l’attirance sexuelle à la répulsion, de l’amour
à la haine..., et être dirigée vers de nombreux individus
(enfants, hommes...). De fait il nous semble très difficile de
réduire le complexe d’Œdipe aux seuls sentiments de haine
envers le père et d’amour envers la mère.
De plus,
cette multiplicité est présente chez autrui, que ce soit chez
Jocaste, Laïos, Polynice..., tous élaborent des fantasmes,
créent des idéaux et de fait se construisent des
réalités différentes. Ainsi pour Œdipe comme pour
l’ensemble des personnages, Jocaste n’est pas Jocaste, Laïos
n’est pas Laïos...Tous sont transformés, modifiés, par
les prismes de leur puissance imaginative. Ce qui est recherché bien
souvent, c’est de l’assurance, de la stabilité, des
repères, des terrains connus et surtout pas du mouvement, de
l’incertitude.
En outre, à ces forces créatrices,
à ces forces imaginatives s’adjoint une pluralité de formes
qu’un personnage peut prendre. Tantôt ressentant un affect
bâti lorsque il était adolescent, tantôt revivant un affect
crée lorsque il était enfant..., Œdipe n’a de cesse de
faire varier la perspective à partir de laquelle il se trouve.
« Il » fait varier à la fois ses observations et
l’endroit d’où il les interprète. Les perspectives
étant modifiées en fonction des contextes, des humeurs, de sa
fraîcheur physique, de son alimentation, de ses histoires, de ses
rencontres...
Ainsi, Sophocle nous dépeint ce qui se déroule
au sein de chaque individu, ses forces, ses constructions psychiques, ses
envies, ses facettes. Et il n’est pas du tout surprenant que cette
histoire ne nous laisse pas indifférent. En effet, le coryphée en
s’adressant à Œdipe le souligne justement : « Ah
malheureux ! Non, je ne puis te regarder en face. Et cependant je voudrais
tant t’interroger, te questionner, t’examiner... Mais tu
m’inspires trop d’effroi!
»[23]. Car en effet,
grâce, notamment, à notre curiosité nous sommes épris
de désir de savoir et paradoxalement nous sommes toujours en train de
bâtir des défenses afin de ne pas voir, afin d’endiguer nos
recherches, comme si ce que nous pourrions découvrir était
terrible. Cependant, il y a une différence notable entre
reconnaître ses désirs, regarder comment ils fonctionnent, tenter
de comprendre par quoi ils sont mus et les réaliser. Entre désirer
tuer sa mère et passer à l’acte. Quel adulte en effet
souhaiterait supprimer réellement sa propre mère ?
C’est plutôt un substitut, crée par un individu, qui se
déplace à travers d’autres femmes et rend ce fantasme actif.
D’ailleurs avoir envie de tuer un frère, une sœur, une fille,
un fils sont des sentiments éprouvés par tout un chacun au sein
d’une même famille, et reconnaître ses désirs, prendre
conscience de ses forces constituent un premier pas contre le passage à
l’acte. Alors, de la même façon que nous bâtissons des
fantasmes, que nous bâtissons des idéaux, que nous bâtissons
d’autres réalités, c’est nous qui sommes en mesure de
les identifier, de mettre à jour leurs fonctionnements. D’ailleurs
c’est plutôt une réalité formidable à saisir
afin de tenter d’en faire quelque chose, de ne pas fuir comme le
Coryphée et d’entrebâiller une porte vers une sensation de
liberté.
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suivante : eric.sobel@psychanalyse.lu)
[1] Sophocle -
Œdipe Roi - p189 Folio
classique
[2] Sophocle -
Œdipe Roi - p193 Folio
classique
[3] Sophocle -
Œdipe Roi - p193 Folio
classique
[4] Sophocle -
Œdipe Roi - p199 Folio
classique
[5] Sophocle -
Œdipe Roi - p197 Folio
classique
[6] Sophocle -
Œdipe Roi - p207 Folio
classique
[7] Sophocle -
Œdipe Roi - p216 Folio
classique
[8] Sophocle -
Œdipe Roi - p213 Folio
classique
[9] Sophocle -
Œdipe Roi - p225 Folio
classique
[10] Sophocle -
Œdipe Roi - p228 Folio
classique
[11] Sophocle -
Œdipe Roi - p232 Folio
classique
[12] Sophocle -
Œdipe Roi - p198 Folio
classique
[13] Sophocle -
Œdipe Roi - p220 Folio
classique
[14] Sophocle -
Œdipe Roi - p193 Folio
classique
[15] Sophocle -
Œdipe Roi - p233 Folio
classique
[16] Sophocle -
Œdipe à Colonne - p397 Folio
classique
[17] Sophocle -
Œdipe Roi - p230 Folio
classique
[18] Sophocle -
Œdipe Roi - p217 Folio
classique
[19] Sophocle -
Antigone - p114 Folio
classique
[20] Sophocle -
Œdipe à Colonne - p396 Folio
classique
[21] Sophocle -
Œdipe Roi - p231 Folio
classique
[22] Sophocle -
Œdipe Roi - p221 Folio
classique
[23] Sophocle -
Œdipe Roi - p229 Folio classique