Qui prétendrait à l’autonomie complète ?
(Avec l’accord des auteurs – les Drs Raymonde Schmitz et Robert Wagener – nous reproduisons ci-dessous la réponse à l’article de G. Steffgen concernant la discussion sur l’« autonomie » du psychothérapeute au Luxembourg)
Qui prétendrait à l’autonomie complète ?
Je me suis dit que la lettre publiée au WORT par mon collège Robert WAGENER et moi-même en réponse à l’article du Prof STEFFGEN du 18.2.2017 dans ce même journal, pourrait intéresser les lecteurs du blog de psychanalyse.lu.
Dans son article G. STEFFGEN insiste sur la capacité du psychothérapeute exerçant dans le cadre de la nouvelle loi sur les psychothérapies de juillet 2015, de travailler en autonomie totale indépendamment de l’avis et/ou de l’adresse par un psychiatre ou par un autre médecin.
Soit.
Comment naissent les maladies mentales ?
Il semble évident de penser que le DSM, le Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux de l’Association Psychiatrique Américaine (APA) base ses catégories diagnostiques sur une forme ou une autre d’évaluation statistique des troubles, syndromes ou symptômes psychiques.
Or, rien n’est moins sûr.
À défaut de statistiques, la classification des troubles de l’ainsi-dite « bible de la psychiatrie » devrait fonder sa nomenclature sur des critères scientifiques, publics, cohérents et susceptibles de discussions et de critiques.
Or, rien n’est moins certain.
Au dédale des psychothérapies psychanalytiques
Dans la discussion sur la tentative d’interdiction de la psychanalyse au Luxembourg, nous venons d’apprendre que la psychanalyse, la « thérapie psychanalytique » et le « procédé psychodynamique » sont désormais synonymes et désignent une seule et même approche.
L’information a été transmise par l’un des principaux détracteurs de la psychanalyse, le président de notre Conseil Scientifique national, nouvellement devenu ardent défenseur et meilleur ami de la psychanalyse. Pour des raisons purement professionnelles, scientifiques et objectives s’entend.
Notre collègue Jean-Claude Schotte a très justement rappelé (voir Les déclarations solennelles après-coup) que contrairement à la prompte assimilation par l’expert, ces désignations ne sont nullement synonymes.
Quiconque a jamais eu la curiosité de s’intéresser aux discussions sur les différences entre psychanalyse et psychothérapie aura pressenti la confusion provoquée par le gommage des différences, tantôt énormes, tantôt subtiles, entre la psychanalyse à proprement parler et les psychothérapies à inspiration psychanalytique (selon la désignation courante dans les pays francophones), les « procédés psychodynamiques » et quelques autres encore …
Freud. An Intellectual Biography
Joel Whitebook
Cambridge; New York: Cambridge University Press, 2017.
Offering a radically new portrait of the creator of psychoanalysis, this book explores the man in all his complexity alongside an interpretation of his theories that cuts through the stereotypes that surround him.
The development of Freud’s thinking is addressed not only in the context of his personal life, but also in that of society and culture at large, while the impact of his thinking on subsequent issues of psychoanalysis, philosophy, and social theory is fully examined. Whitebook demonstrates that declarations of Freud’s obsolescence are premature, and, with his clear and engaging style, brings this vivid figure to life in compelling and readable fashion.
Arguments pour une répression des « fraudes »
On a beau mettre en avant l’urgence de la situation luxembourgeoise avec ses nécessités objectives supposées. Il n’en reste pas moins qu’au départ, le projet de loi sur les psychothérapies est né de l’effort concerté d’un nombre très restreint de personnes. Des personnes qui, pour la plupart, n’ont ni la formation, ni l’expérience requises par la loi et par le métier sur lequel elles se sentent appelées à légiférer. Ironiquement, ce sont ces qui ont été désignées pour couper court aux fraudes à l’aide d’une loi à la rédaction de laquelle elles ont contribué.
Malheureusement, parmi ces personnes, peu nombreuses sont celles qui se présentent officiellement comme auteurs ou contributeurs du projet de loi. Et moins nombreuses encore sont celles qui se soient donnés la peine d’en formuler une explication officielle.
Il appartient assurément à l’exercice autoritaire du pouvoir de ne pas avoir à s’expliquer. Car qui s’explique, qui se met à argumenter s’expose au risque de critiques légitimes. Et qui accepte les conditions de la discussion rationnelle abandonne le privilège de la coercition.
Qu’en serait-il alors, si la procédure législative était démocratique ?
Qu’en serait-il, de ce projet de loi, si le législateur s’était donné la peine non seulement d’écouter les deux ou trois intervenants privilégiés, mais d’entendre tous les intervenants sur le terrain ?
Qu’en serait-il donc, si les personnes derrière le projet de loi sur les psychothérapies avaient dû formuler de véritables arguments au soutien d’un texte qui, selon la formulation bien prudente du Conseil d’État, aura « pour effet qu’un certain nombre de personnes pratiquant d’ores et déjà la psychothérapie ne seront plus couvertes par la nouvelle réglementation et s’exposent à d’éventuelles poursuites pour pratique illégale d’actes psychothérapeutiques »[1] ?
Un « certain nombre » ?
Un nombre d’ores et déjà bien certain !
Soit : l’ensemble des thérapeutes, médecins, psychologues ou autres à la base, qui ne disposent pas du futur diplôme de l’Université du Luxembourg ou de diplôme reconnu comme équivalent et qui ne se retrouve pas dans cet « accompagnement psychologique » qu’on leur a apparemment aménagé comme porte de secours.
Qu’en serait-il, si l’on dressait une petite liste ordonnée des arguments glanées ici ou là dans des discussions officielles et inofficielles, dans des entretiens à la radio et dans de petits pamphlets publicitaires ?
Sous les pavés, les charlatans
Grâce au projet de loi sur les psychothérapies, nous savions que le Luxembourg courait de « grands dangers » et que ses patients, vulnérables par définition, étaient exposés à de « graves dérives ».
Le danger, nous avertissent toujours les alarmistes, viendrait d’un nombre inquiétant de soi-disant « charlatans » se prétendant psychothérapeutes : « […] le constat en terme de prise en charge des patients en psychothérapie est inquiétant: certains d’entre eux ne sont pas traités correctement ou mal accompagnés par de soi-disant psychothérapeutes qui sont soit mal formés, soit pas formés du tout ! »[1]
Qu’on s’imagine !
Mais jusqu’à présent, les ténors de la menace taisaient le nombre de ces malfaiteurs supposés. Les charlatans se propageraient, selon les dénonciateurs, du fait d’une « législation passablement obsolète et qui, surtout, place le commun des patients potentiels dans un brouillard opaque ». (Le Jeudi du 30.10.2014, p. 6).
Nous savons entretemps grâce au président de la Société Luxembourgeoise de Psychologie (SLP) et chargé de direction du Centre d’Information et de Prévention, que « pas mal de gens peu sérieux en profitent pour leur extorquer de l’argent ».
Le brouillard législatif ne cacherait donc pas seulement de faux thérapeutes, mais encore des maîtres-chanteurs s’adonnant à des délits en toute impunité.
De la psychologie au pouvoir
Des personnes apparemment mieux avisées suggèrent de ne pas prendre de tels énoncés au pied de la lettre. Le législateur, pensent-ils, ne se laissera pas abuser par les velléités de pouvoir de l’intérêt particulier d’un petit groupe d’influence.
Pourtant, ces conseils bienveillants ne semblent plus aujourd’hui convaincants. Les velléités de pouvoir ont déjà eu un impact réel sur le texte du projet de loi. De fait, ils le déterminent de part en part.
Et quand il sera voté, le texte déterminera à son tour ce qu’il en sera de la réalité concrète de toute une profession.
Le pouvoir, selon l’une des définitions les plus concises, consiste dans « la capacité d’une personne ou d’un groupe de personnes d’affecter les résultats de manière à ce que leurs préférences l’emportent sur les préférences d’autres ». [1]
Pourquoi la psychanalyse risque-t-elle de disparaître du Luxembourg ?
Alors que l’« exposé des motifs » de la première version du projet de loi luxembourgeois sur la psychothérapie nomme la psychanalyse parmi les approches thérapeutiques ayant fourni les preuves d’une « validité scientifique tangible », alors que le discours ministériel et politique a toujours exprimé sa bienveillance et sa « bonne foi » à l’égard de la psychanalyse, alors même que les auteurs du projet de loi se sont toujours dits ouverts d’esprit, les premiers concernés, certains cliniciens travaillant sur le terrain ont rapidement senti le roussi.
Car ce qui se manigance derrière les beaux discours de l’ouverture, ce qui se mijote derrière les belles faces de la tolérance n’est rien de moins qu’une attaque radicale de la diversité thérapeutique.
Les psychanalystes sont loin d’être les seuls à avoir attiré l’attention sur cette contradiction entre la face publique – la publicité mensongère – et la signification pratique et concrète de la règlementation monopolistique d’une profession.
La psychanalyse existe
La Commission parlementaire de la Santé, de l’Égalité des chances et du Sport va bientôt adopter une législation sur les psychothérapies dont l’effet – et peut-être l’intention – est de dépouiller une profession de sa diversité.
Cette diversité est officiellement affichée, de même que les intérêts des patients qui doivent être protégés d’apparents graves dangers de thérapeutes travaillant hors du cadre d’une « science » définie nulle part.
Mais de fait, les conditions d’accès à la formation, au titre et à la profession postulées par la nouvelle loi excluent, sans autre détour, tout psychothérapeute qui ne soit ni médecin, ni psychologue, ou qui n’ait pas fait ses études de psychothérapie à l’Université du Luxembourg.
Alors que la procédure législative est plus ou moins bouclée, la Commission de la Santé invite les représentants de quatre groupes de psychothérapeutes pour un dernier échange d’idées de 30 minutes.
La Société Psychanalytique du Luxembourg est consciente que sous sa forme actuelle, la loi Luxembourgeoise condamne l’avenir de la psychanalyse au Luxembourg. Ainsi, le Luxembourg sera le seul pays en Europe où de futurs psychanalystes ne pourront plus exercer du fait de ne pas avoir de formation calquée sur le modèle de Master en Psychothérapie de l’Université du Luxembourg. (Inversement, les personnes ayant réussi ce Master ne pourront le faire valoir nulle part ailleurs qu’au Luxembourg.)
Voici l’argumentaire critique de la S.P.L. adressée à la Commission de la Santé :
Aide-mémoire à l’intention de la Commission de la Santé, de l’Egalité des chances et des Sports
La psychanalyse existe, depuis plus de 100 ans.
Elle existe dans l’ensemble des pays occidentaux démocratiques, au même titre que nombre d’autres types de psychothérapie.
De manière générale, la formation à la psychanalyse n’est pas réservée aux médecins ni aux psychologues.
Cette formation est depuis plus de 100 ans assurée dans des instituts, des écoles et des associations non-universitaires.
En quoi consiste la formation psychanalytique ?
Elle inclut :
- la psychanalyse personnelle, qui en constitue le fondement,
- des cours théoriques,
- des études de cas cliniques,
- et une pratique supervisée et contrôlée.
Aucune école de psychanalyse, aucun institut de formation psychanalytique ne propose des cours spécialisés en diagnostic, ne fournit des ECTS, n’enseigne des stratégies, ni n’assure de formation en auto-apprentissage (article 4).
The Other Scene
We are very happy to announce the first issue of the internet journal The Other Scene.
The aim of The Other Scene is to publish papers on psychoanalysis and on the different applications of psychoanalysis in a variety of intellectual and artistic pursuits such as literature, film and other arts, sociology and political theory, philosophy and pedagogy: anywhere it can be seen as relevant.
Obviously, psychoanalysis started as a therapeutic practice and it still has its foundation in this practice. However, as Freud pointed out already in 1926: “The use of analysis for the treatment of the neuroses is only one of its applications; the future will perhaps show that it is not the most important one .” (“The question of lay analysis.” SE, 20: 179-250.)
Furthermore, psychoanalysis is itself shaped by its proximity to the various arts and sciences. Ultimately The Other Scene also hopes to bring analysis to unfamiliar grounds.
Psychothérapies sans risques
(Le texte qui suit a originellement paru dans le mensuel luxembourgeois Forum, n° 320, juillet 2012.)
Un nouveau spectre hante le Luxembourg. Après les médecins fripons et les enseignants fainéants, voici donc le fléau des psychothérapeutes dangereux.
Ce danger est-il récent ? S’est-il renforcé progressivement au cours des dernières décennies ? Y a-t-il eu des blessés ? Des morts ? Des personnes se sont-elles plaintes auprès de la police ? Des jugements ont-ils été émis contre des malversations ou des fautes professionnelles ? Et quelqu’un a-t-il relevé ces faits, dressé des listes, établi des statistiques ?
Assurément, il n’est pas difficile de se sentir pris de vertige, à feuilleter les rubriques ‘psychologues’ ou ‘psychothérapeutes’ des pages jaunes nationales. Un minimum d’ordre et d’information n’y apporteraient certainement pas de préjudice. Pourtant, en regardant par-delà les frontières nationales, un éventail psychothérapeutique autrement plus impressionnant s’ouvre devant les yeux des curieux.
J. Edgar – sharp dressed man
During an evening out at the club, J. Edgar Hoover suddenly urges his friend and lover Clyde Tolson to leave in a hurry. They just came from a movie that was of important symbolic value: Hollywood had eventually shifted from the sympathetic gangster hero to the heroic police officer. Hoover feels so gratified by what he considers to be a public recognition of his work that during the ride home, he holds his lover’s hand. The gesture has a slight scent of provocation since his mother, Anne, sitting in front of the car, could not but notice. And she would pay him back for this daring move soon enough.
That evening though, nothing seemed to stop J. Edgar. At first, at least. After dropping his mother off, he and Clyde continue to their club, where they get to sit at a table with three beautiful, admiring actresses. Here we see the new hero of the Bureau of Investigation, inspiring comic strips and now movies, bragging about some incredibly important secrets he cannot reveal. Young, radiating, gorgeous Hoover seems overspilling with power, wits and overall success. Until one of the actresses, trying to get beyond sitting and listening, first invites and then urges him to dance. At this point J. Edgar loses it.
Agitated