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Raymond Leroux

Considérations diverses (2)


E.

On continue tant bien que mal. Une citation est censée produire le "fin mot de l'"Aufklärung" kantienne. "Ruhe ist die erste Bürgerpflicht", disait-on. Et le caporal KANT parodiant le grand Fritz préciserait: "nicht räsonnieren!" ... On n'en finit pas de trouver chez KANT de tels joyaux. Mais il a été décrété une fois pour toutes qu'il est le champion de la "Diskursethik" et de la dé-mo-cra-tie! Et puis zut! Et prolifération de "kantolâtres"!

F.

Que pourrait être une clinique sans métaphore sur laquelle TS revient à deux fois? A première vue, on croirait qu'elle se châtrerait de la principale ressource linguistique, donc que ça se mettrait à bégayer et bafouiller. Ne développons pas tout une théorie de la perception, mais enfin si la clinique est faite pour qu'on voie, perçoive, quelque chose, il faudrait dire qu'elle ne perçoit quelque chose qu'à condition d'avoir les moyens linguistiques appropriés "dans le dos", dont métaphore et métonymie.  On remarquera que ces ressources-là ne sont pas encore tout ce qu'il faut pour la narrativité. En fait là n'est pas le problème!

Le problème, dans le cadre d'une clinique soumise à l'ascèse d'une volonté d'écarter les "projections" ou "équations" personnelles afin de juste "percevoir" (percevoir ce qui est là, et non pas ce que je voudrais ou désirerais qu'y fût...), le problème, dis-je, c'est qu'elle risque de répéter , -dans tous les sens du terme! -  Répéter ce que d'autres ont dit, d'abord, lesquels autres se retrouvent malgré eux en position d'autorités: FREUD bien sûr! Répéter ensuite la séquence des symptômes épurés (soi-disant) de toute théorisation-symbolisation, avec l'espoir que ça s'arrangera en tableau clinique et la mauvaise conscience dès que quelque chose comme cet effet se produit! Répétition enfin au sens "compulsionnel"; soit, comme TS le dit très bien, ce qui s'oppose diamétralement au "Durcharbeiten".  Donc, non! La clinique non-projective ne va pas bégayer! Mais aucune langue ne "garantit" d'elle-même le caractère non-projectif du dit. L'"innocente" "langue adamique", on la cherche toujours, on la présuppose tout le temps!... Alors, au lieu de "clinique sans métaphore", qch comme "clinique à métaphore contrôlée"? (Comme on dit "dérapage contrôlé"?).

"Bonne" théorie, "bonne" conviction? On n'oubliera pas qu'un con-vaincu est un "vaincu", et l'on voudrait éviter le mot kleinien. Si, disions-nous, la "bonne" théorie ne fait qu'"in-former" la clinique, on n'en est pas encore au "Gestell". On y est certainement si la clinique ne fait qu'"illustrer".  L'autre extrême revendique une paternité freudienne: pas d'affirmation théorique si elle n'est pas basée sur de la clinique. Mais en fait ne suppose-t-on pas dans les deux cas théorie et clinique bien proprement séparables? Tentation de dire (mais je n'en ai pas le droit!): quod non!

 

D'où  coup d'œil sur /clinique/ en général! Est-ce que je me trompe si je crois que par là on entend l'effort de décrire précisément ce qu'on ... perçoit (sans l'aide d'instruments compliqués ni d'analyses de laboratoire ...) ? Cette clinique là - je répète: je peux ici dire des choses totalement aberrantes! - se divise en ce que la tradition distingue de par les mots /sémiologie/ et /étiologie/, mais précisément sans que, d'un point de vue proprement clinique, les deux soient en fait séparables. Ce qui n'est que "normal" si, comme c'est le cas ici, "mon tout" est de l'ordre de ce qui fait sens.  Cela dit, demandons-nous : qu'est-ce, au juste, qu'on "perçoit"-pour-le-dire? Réponse du bon sens: des choses, des personnes, des signes, tout ça dans le temps. Autrement dit on "perçoit" ce qui ad-vient ou "é-vient" (du latin "evenit" qui a donné /événement/). Parce que, sans cesse, je lorgne du signe (symptôme p.ex.) vers la "cause" et de la "cause" vers le signe-symptôme, essayant de voir comment l'on parle de ce qui "advient" je construis un carré sémiotique sur "avènement", dit "Av". Comme montré ailleurs, j'ai besoin de deux négations (la langue ordinaire en a davantage!), la "forte" marquée " N(...)", et la "faible" ou "logique" marquée "~..."   
                                                                  

graphique1


Les 4 termes forment 4 métatermes, à savoir: I: un avènement dans du présent est ce qu'on appelle un changement d'état (d'une chose, de 2 choses, ... de n choses...). II : L'avènement dans le ~présent, c'est la durée de qch qui reste identique. III: le présent sans que rien n'advienne serait le "nunc stans", l'éternité telle que selon HOBBES la concevaient les scolastiques; ou, plus prosaïquement, p.ex. une accélération constante. Enfin IV : ce serait un T vide matriciel. Répétons: ceci n'est pas de l'"ontologie", mais une tentative de cerner notre manière de parler de ce que nous "percevons" comme advenant dans le T. Cette chose très prosaïque me semble bien s'intégrer dans ce que veut finalement JB: il s'agit bien d'un percevoir premier pour parler ensuite.

G.

Clinique sans "garde-fous", ou clinique  comme (en tant que) garde-fous? On devine facilement que, si s'appuyant p.ex. sur le 2e WITTGENSTEIN sur lequel je reviendrai, l'on affirmait brutalement qu'il n'y a tout simplement aucun  - pas un seul! -  garde-fous qui tienne, l'adversaire aurait beau jeu d'avertir qu'ainsi tant et plus de "fous" beuglants feraient irruption par la grande porte. Ce qui s'est produit, et, charitablement, ne citons pas de noms!

On me connaît assez pour qu'on ne compte pas sur moi et mes régressions soit pour faire appel à des pouvoirs régulants constitués ou institués, soit pour me réfugier dans les bras accueillants d'on ne sait quelle "éthique" fût-elle "scientiste", soit pour créer quelque police ou douane méthodologique, lesquelles n'existent pas sans l'appui d'une métaphysique, c'est-à-dire en dernière instance d'une théologie, fût-elle celle du sujet transcendental kantien. Pas de ça pour nous, merci!

Ce qui (pour le moment) me paraît un tant soit peu tenir la route, c'est une sorte de structure hiérarchique à quoi allusion a été faite lorsqu'il fut question de "clinique à métaphores contrôlées".  Primauté de la clinique pour autant qu'il s'agit de ce qui se-perçoit-pour-se-dire, et là primauté du percevoir contrôlable, "intersubjectif", sur le dire. Dans le dire, primauté à la "simple truth" hors spéculation, usage modéré de notions dites théoriques, notions servant en premier lieu au "Durcharbeiten" sur le terrain. Dans les notions théoriques indispensables, primauté à ce qui sert sur le terrain, par rapport aux notions englobantes et synthétisantes; formellement parlant: primauté aux propositions singulières ou particulières, par rapport aux propositions universelles. Et constamment "ouverture" à la fois à ce que nous aurions qualifié de "secondaire" et aux possibilités de correction et de redressement. Ne jamais croire qu'on tient tout le sens par la queue.


 

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