Qui prétendrait à l’autonomie complète ?

(Avec l’accord des auteurs – les Drs Raymonde Schmitz et Robert Wagener – nous reproduisons ci-dessous la réponse à l’article de G. Steffgen concernant la discussion sur l’« autonomie » du psychothérapeute au Luxembourg)

Autonomie

Qui prétendrait à l’autonomie complète ?

Je me suis dit que la lettre publiée au WORT par mon collège Robert WAGENER et moi-même en réponse à l’article du Prof STEFFGEN du 18.2.2017 dans ce même journal, pourrait intéresser les lecteurs du blog de psychanalyse.lu.

Dans son article G. STEFFGEN insiste sur la capacité du psychothérapeute exerçant dans le cadre de la nouvelle loi sur les psychothérapies de juillet 2015, de travailler en autonomie totale indépendamment de l’avis et/ou de l’adresse par un psychiatre ou par un autre médecin.

Soit.

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Parler sans s’entendre parler

Parler sans s’entendre parler

(Des mots, des ouvrages, des actes et des normes 5)

En prenant un exemple, quelques données météorologiques indiquant vraisemblablement des retombées du changement climatique fortement discuté parmi les spécialistes, en examinant ce que ces chiffres signifient concrètement pour quelqu’un dans son travail quotidien, un viticulteur vinificateur, j’ai cherché à problématiser ce qu’il faut bien appeler le fétichisme des chiffres : la croyance naïve que les chiffres reflètent immédiatement la réalité, toute la réalité, rien que la réalité.

Les chiffres, proposés sous la forme de moyennes statistiques ou autrement, ne sont pas le reflet pur et simple d’une réalité en soi, même s’ils sont exacts. Ils peuvent être à côté de la question. Il y a ces chiffres-là, et il y en a quantité d’autres. Ils n’expliquent pas quelque chose, ils sont au contraire à expliquer. Ils peuvent d’ailleurs être compatibles avec plus d’une explication. Et ils ne dictent certainement pas comment agir à partir de là. Et puis, il y a des choses qui ne se laissent pas écrire en chiffres, mais qui n’en sont pas moins réelles.

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Comment naissent les maladies mentales ?

DSM

Il semble évident de penser que le DSM, le Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux de l’Association Psychiatrique Américaine (APA) base ses catégories diagnostiques sur une forme ou une autre d’évaluation statistique des troubles, syndromes ou symptômes psychiques.
Or, rien n’est moins sûr.

À défaut de statistiques, la classification des troubles de l’ainsi-dite « bible de la psychiatrie » devrait fonder sa nomenclature sur des critères scientifiques, publics, cohérents et susceptibles de discussions et de critiques.
Or, rien n’est moins certain.

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Le fétichisme des chiffres

Le fétichisme des chiffres

(Des mots, des ouvrages, des actes et des normes 4)

Pour promouvoir la psychothérapie « scientifique », chose qui n’existe pas, ses avocats n’hésitent pas à faire appel aux chiffres : les statistique en particulier, ça fait très sérieux. Et cela impressionne le public laïc, des législateurs par exemple qui n’ont la plupart du temps au fond aucune idée de ce que la recherche scientifique concrète exige.

Ces laïcs croient par exemple que ce qui est scientifique est vrai, sans plus, alors que toute vérité scientifique est au contraire une vérité extrêmement conditionnelle : telle ou telle hypothèse (je dis bien hypothèse, donc proposition, et non praxis, donc acte) est vraie mais seulement à la mesure d’une procédure précise. Cette dernière a été conçue par un chercheur en fonction de ses questions et ses hypothèses : il crée des conditions expérimentales que l’on ne retrouve quasiment jamais telles quelles quand on a affaire à du phénomène en dehors d’un laboratoire.

Quant aux chiffres, il faut les questionner, examiner leur pertinence, ne fût-ce qu’en demandant ce qui est chiffré et ce qui ne l’est pas, qui a décidé ce qu’on quantifie, quel est son point de vue, et quelles questions cette prise de position empêche de poser ou présuppose résolues. On a parfois l’impression qu’il suffit de donner quelques statistiques pour que des gens pourtant doués d’une faculté de juger, suspendent toute réflexion propre. Ils réagissent comme si les chiffres étaient la réalité, toute la réalité, rien que la réalité : ils fétichisent les chiffres. Et ils oublient que ces chiffres eux-mêmes ne dictent pas comment s’y prendre à partir de là, qu’il y a un gouffre entre ceux-ci et les actes à poser dont les conséquences ne sont pas chiffrables ‒ sauf dans les fantaisies des spécialistes de l’ingénierie sociale, ceux que Hannah Arendt, dans ses réflexions sur les Pentagon Papers, appelait « les spécialistes de la solution des problèmes ».

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Au dédale des psychothérapies psychanalytiques

PsychodynamiqueDans la discussion sur la tentative d’interdiction de la psychanalyse au Luxembourg, nous venons d’apprendre que la psychanalyse, la « thérapie psychanalytique » et le « procédé psychodynamique » sont désormais synonymes et désignent une seule et même approche.

L’information a été transmise par l’un des principaux détracteurs de la psychanalyse, le président de notre Conseil Scientifique national, nouvellement devenu ardent défenseur et meilleur ami de la psychanalyse. Pour des raisons purement professionnelles, scientifiques et objectives s’entend.

Notre collègue Jean-Claude Schotte a très justement rappelé (voir Les déclarations solennelles après-coup) que contrairement à la prompte assimilation par l’expert, ces désignations ne sont nullement synonymes.

Quiconque a jamais eu la curiosité de s’intéresser aux discussions sur les différences entre psychanalyse et psychothérapie aura pressenti la confusion provoquée par le gommage des différences, tantôt énormes, tantôt subtiles, entre la psychanalyse à proprement parler et les psychothérapies à inspiration psychanalytique (selon la désignation courante dans les pays francophones), les « procédés psychodynamiques » et quelques autres encore …

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« La médecine n’est pas une science mais un art »

« La médecine n’est pas une science mais un art »

(Des mots, des ouvrages, des actes et des normes 3)

Certains psychothérapeutes prétendent exercer la psychothérapie « scientifique ». Et ils prétendent même exclure certains collègues de l’exercice du métier de psychothérapeute au nom de la « science » qu’ils sont eux capables d’administrer mais pas les autres. Au meilleur des cas, ils se trompent de registre, sans conséquences, au pire des cas, ils s’autorisent d’une imposture.

Mon médecin de famille est plus malin ‒ et infiniment plus honnête. Fort d’une longue expérience de plus de 30 ans, il me dit un jour ceci : « La médecine n’est pas une science. C’est un art. Et ça devrait être un art individuel ». C’est-à-dire : elle devrait être exercée par un individu pour un individu. Voilà une position raisonnable, sans prétentions excessives, réaliste aussi, sans tromperie, sans aucune dissimulation. Est-ce dire que mon médecin n’a pas été formé aux sciences biologiques, à l’étude de toutes sortes de fonctionnements et dysfonctionnements dont il voit les retombées chez ses patients ? Non. Prétend-il alors être un artiste qui produit des œuvres d’art ? Non, bien sûr que non.

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Freud. An Intellectual Biography

Joel Whitebook

Cambridge; New York: Cambridge University Press, 2017.

Offering a radically new portrait of the creator of psychoanalysis, this book explores the man in all his complexity alongside an interpretation of his theories that cuts through the stereotypes that surround him.

The development of Freud’s thinking is addressed not only in the context of his personal life, but also in that of society and culture at large, while the impact of his thinking on subsequent issues of psychoanalysis, philosophy, and social theory is fully examined. Whitebook demonstrates that declarations of Freud’s obsolescence are premature, and, with his clear and engaging style, brings this vivid figure to life in compelling and readable fashion. Lire la suite ... >>>

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La prétention au pouvoir au nom de la science

La prétention au pouvoir au nom de la science

(Des mots, des ouvrages, des actes et des normes 2)

Un scientifique est un scientifique, sans doute. Et on peut même expliciter ce que cela signifie, en interrogeant sa façon de formuler et de mettre à l’épreuve des énoncés qui expliqueraient certains phénomènes qui ne peuvent être ces phénomènes–là, « certains » phénomènes et pas d’autres, qu’à la condition d’avoir été cernés et construits dans un ordre de raison, eu égard à une causalité présumée spécifique et autonome.

Un psychologue peut ainsi être un scientifique et pratiquer la recherche scientifique psychologique, si tant est que la psychologie ait un certain objet de recherche, une ou des causalités psychiques, qui lui soient propres ‒ question qui mérite déjà toute une discussion en soi, et qui implique notamment le départage du champ sociologique et du champ psychologique.

On remarquera d’ailleurs que bon nombre d’écrivains, romanciers et dramaturges notamment, sont de très fins psychologues, sans jamais prétendre pratiquer la psychologie scientifique. On aurait tort de croire aujourd’hui qu’ils ne puissent rien nous apprendre au sujet des humains qu’ils mettent en scène à travers leurs personnages. Il y eut même un temps où la lecture d’œuvres littéraires était jugée, et à mon sens à juste titre, une des formations indispensables aux futurs psychiatres, tout autant que d’autres formations, d’ordre biologique, psychopathologique et clinique.

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Les déclarations solennelles ‒ après-coup

Les déclarations solennelles ‒ après-coup

(Des mots, des ouvrages, des actes et des normes 1)

Dans le Land du 23 décembre 2016, M. Peter Feist consacre un article très critique, Der ganz normale Wahnsinn, au fonctionnement de certaines personnes au sein du Conseil Scientifique de Psychothérapie.

Dans le Land du 6 janvier 2017, M. Gilles Michaux, une des personnes visées, utilise son droit de réponse, mais pas pour répondre aux critiques massives à son adresse (voir la Gegendarstellung en bas de page). Être accusé en tant que représentant d’une corporation (Zunft) de pratiquer le népotisme (Vetternwirtschaft), ça n’est pas rien. Ne pas y répondre est pour le moins curieux. Quoiqu’il en soit, il s’arrête uniquement sur le dernier paragraphe de l’article, somme toute secondaire, même si ces quelques phrases en fin d’article illustrent bien une certaine manière d’exercer le pouvoir.

Il clarifie ainsi dans sa Gegendarstellung non son attitude dans le Conseil scientifique de psychothérapie à l’égard des psychiatres, mais celle qu’il occupe à l’égard de la « Psychoanalyse », ou de ce qu’il appelle aussi la « psychoanalytische Therapie » ou encore « psychodynamische Verfahren ». Les trois désignations ne sont pourtant nullement synonymes, et on ne peut les utiliser indistinctement sans méconnaître la psychanalyse, sa formation spécifique, ses pratiques, ses théories, son épistémologie, sa manière de construire du social, et son éthique.

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