Transfert (Übertragung)

Création de la notice : 2 décembre 2024
Dernière mise à jour : 16 décembre 2024

Définition : La notion de transfert (Übertragung) relève de la pratique psychanalytique. Elle décrit une manière de répéter inconsciemment et de revivre affectivement une situation souvent issue d’expériences précoces en les reportant sur la personne de l’analyste. Dans le transfert, des sentiments, des souhaits, des fantasmes ou des types d’interactions passés sont réactualisés dans le présent. Ce phénomène rapproche donc le transfert du processus de la projection.

Historique

L’idée du transfert trouve un précurseur dans le phénomène du « rapport » (hypnotique), décrit par Franz Anton Mesmer (1743-1815). Dans le contexte du « magnétisme animal », ce rapport particulier désignait le lien affectif particulier que la personne magnétisée ressent à l’endroit de son magnétiseur. Le phénomène est décrit plus en détail par le marquis de Puységur (1751-1825), élève de Mesmer, qui le décrivait comme un « attachement tendre ». De manière plus précise, le « rapport » représente un état de transe ou d’hypnose, c’est-à dire une altération de la conscience accompagnée d’une indifférence au monde extérieur, exception faite de la personne du magnétiseur (ou de l’hypnotiseur).

Le lecteur intéressé trouvera une excellente histoire de l’hypnotisme en Europe et en Allemagne, en particulier, dans les deux articles suivants :

  • Maehle, Andreas-Holger, et Heather Wolffram. 2017. « History of hypnotism in Europe and the significance of place ». Notes and Records: the Royal Society Journal of the History of Science 71(2):119‑23. doi: 10.1098/rsnr.2017.0011.
  • Maehle, Andreas-Holger. 2017. « A dangerous method? The German discourse on hypnotic suggestion therapy around 1900 ». Notes and Records: the Royal Society Journal of the History of Science 71(2):197‑211. doi: 10.1098/rsnr.2017.0006.

Freud découvrait ce type de phénomène psychique sous la forme de la « suggestion » dans le contexte des travaux sur l’hypnose par Jean-Martin Charcot (1825-1893) et Hippolyte Bernheim (1840-1919). La découverte de Freud étant alors d’avoir remarqué que de tels rapports et que les transpositions psychiques qui l’accompagnent peuvent se produire sans hypnose, à l’état éveillé.
Dans ses premiers textes, il décrit le phénomène comme une « mésalliance » ou un « faux rapport » où un souvenir du passé vient empiéter sur la situation thérapeutique présente. Dans les Études sur l’hystérie (1895), Freud fournit une première description clinique du transfert :

Le contenu du désir était apparu d’abord dans la conscience de la malade sans aucun souvenir des circonstances environnantes qui l’auraient fait replacer dans le passé. Le désir présent était alors, en fonction de la compulsion à associer qui dominait dans la conscience, lié à une personne qui occupait légitimement les pensées de la malade ; et, résultant de cette mésalliance que je nomme connexion fausse, s’éveillait le même affect qui avait entraîné en son temps la patiente à rejeter ce désir interdit ». (Freud. 1999a, p. 309)

Clinique

Pour Freud, le transfert constituait d’abord un type particulier de [[symptôme]] où un affect se déplace d’une [[représentation]] à une autre, d’une situation, d’une personne à une autre : soit une « mésalliance » psychologique. De ce fait, il aborde le transfert comme tout autre symptôme :

Ce sont des réimpressions, des copies des motions et des fantasmes qui doivent être éveillés et rendus conscients à mesure des progrès de l’analyse ; ce qui est caractéristique de leur espèce, c’est la substitution de la personne du médecin à une personne antérieurement connue. (Freud, 1999e, p. 279)

Mais Freud semblait rapidement s’apercevoir, notamment dans son article sur l’étiologie des hystéries, que le transfert représentait davantage qu’un ›simple‹ symptôme :

Nous avons appris qu’aucun symptôme hystérique ne peut naître d’une seule expérience réelle, mais que le souvenir associatif d’expériences antérieures contribue toujours à la formation du symptôme. Si cette phrase est – à mon avis – valable sans exception, elle nous indique également le fondement sur lequel une théorie psychologique de l’hystérie doit être construite. (Freud, 1999a, p. 432)

Dans les années qui suivent, le transfert va occuper une place de plus en plus proéminente dans la conception freudienne de la cure analytique. En 1913, dans un article intitulé « Pour introduire le traitement », Freud conçoit le transfert non plus comme le fondement d’une théorie de l’hystérie, mais comme le principe du travail psychanalytique en général. Le transfert a plusieurs fonctions dans la pratique psychanalytique : le transfert « positif » – qui n’est pas sans rappeler l’« attachement tendre » du marquis de Puységur – permet de soutenir l’élaboration des contenus inconscients contre les résistances inconscientes par « mobilisation des énergies » psychiques suffisantes. Inversement, le transfert – même « positif » – peut aussi nourrir la résistance par le bisais d’une adhésion non critique aux interprétations de l’analyste. C’est dans ce contexte aussi que Freud introduit la notion de « névrose de transfert ».
En 1914 (« Remémoration, répétition et perlaboration »), entend davantage le domaine du transfert. Le transfert ne se limite plus au seul contexte psychanalytique, et il se présente de manière essentiellement ambiguë (utile au travail de perlaboration et s’y opposant simultanément) :

Nous nous rendons vite compte que le transfert n’est lui-même qu’un morceau de répétition et que la répétition est le transfert du passé oublié non seulement sur le médecin, mais aussi sur tous les autres domaines de la situation actuelle. Nous devons donc nous attendre à ce que l’analysé s’abandonne à la compulsion de répétition, qui remplace maintenant l’impulsion à se souvenir, non seulement dans sa relation personnelle avec le médecin, mais aussi dans toutes les autres activités et relations simultanées de sa vie, par exemple lorsqu’il choisit un objet d’amour pendant la cure, lorsqu’il entreprend une tâche, lorsqu’il s’engage dans une entreprise. La part de résistance est également facile à reconnaître. (Freud, 1999b. p. 130)

Dans l’œuvre de Freud et au-delà, la notion de transfert a suscité la découverte de bon nombre de phénomènes transférentiels différents. Mis à part la relation transférentielle, la littérature psychanalytique  :

  • le transfert négatif,
  • le transfert positif,
  • le transfert érotique,
  • l’amour de transfert (Übertragungsliebe),
  • le transfert idéalisant,
  • le transfert anaclitique (Bergeret)
  • le transfert psychotique,
  • le transfert « sauvage »,
  • le transfert latéral,
  • le transfert en miroir (H. Kohut),
  • le transfert en jumelage (H. Kohut),
  • le transfert paradoxal,
  • le contre-transfert…

identification, identification projective, introjection, névrose de transfert, projection, symptôme

Références bibliographiques

  • Freud, Sigmund. 1999a. Gesammelte Werke I. Francfort : Fischer Verlag.
  • Freud, Sigmund. 1999b. Gesammelte Werke XV. Francfort : Fischer Verlag.
  • Freud, Sigmund. 1999e. Gesammelte Werke XV. Francfort : Fischer Verlag.
  • Laplanche, Jean, et J. B. Pontalis. 1967. Vocabulaire de la psychanalyse. Paris : PUF.
  • Mertens, Wolfgang. 2014. Handbuch psychoanalytischer Grundbegriffe. 4ᵉ édition revue et augmentée. Stuttgart : W. Kohlhammer GmbH.
  • Mijolla, Alain de, éd. 2002. Dictionnaire international de la psychanalyse : Concepts, notions, biographies, œuvres, événements, institutions. Paris : Hachette Pluriel Éditions.

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