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M.-D.-T. de Bienville

Docteur en médecine


La nymphomanie ou traité de la fureur utérine


Dans lequel on explique avec autant de clarté que de méthode, les commencements et les progrès de cette cruelle maladie, dont on développe les différentes causes ; ensuite on propose les moyens de conduite dans les diverses périodes, et les spécifiques les plus éprouvés pour la curation,

(Amsterdam, 1771, in-8°)

Préface
Chapitre 1
Chapitre 2
Chapitre 3
Chapitre 4
Chapitre 5
Chapitre 6

Chapitre I

Comme la naissance et les progrès de la maladie que nous appelons fureur utérine, viennent absolument des impressions et des mouvements des fibres intérieures des organes, je crois devoir me dispenser de donner ici la description des parties extérieures de la femme.
Je me bornerai donc à décrire le plus succinctement qu’il me sera possible, ses parties intérieures, et surtout celles qui concourent’ immédiatement aux impressions et affections de la matrice, comme siège principal des fâcheux accidents dont j’entreprends de faire l’effrayant tableau.
Nous considérons dans les parties de la femme deux conduits : l’un appelé le canal de l’urètre, dont nous ne donnerons aucune description, parce qu’il est tout à fait étranger à notre sujet ; l’autre est le vagin, que les anatomistes nous disent être un canal long, qui descend depuis l’orifice de la matrice, jusqu’à l’extrémité des parties honteuses de la femme.
Dans les vierges on lui donne environ cinq à six pouces de longueur ; il passe entre la vessie et le rectum. Des deux membranes qui composent sa substance, l’une est interne, et l’autre est externe.
L’interne est un tissu de nerfs qui la rendent conséquemment très sensible. Sa partie intérieure est pleine de rides spirales qui s’étendent dans l’accouchement. Ce canal est rempli de vésicules qui contiennent une espèce de mucosités que déchargent une infinité de petites glandes ; de là vient l’humidité fort nécessaire dans le vagin.
La membrane externe est un tissu de fibres musculaires capables d’extension et de contraction. On voit à la partie intérieure de l’orifice de ce canal, un plexus de vaisseaux qui composent un corps caverneux rempli de sang artériel que déchargent ces vaisseaux dans certains moments de volupté, qui étant embrassés par une quantité de fibres musculaires dont nous venons de parler, contractent singulièrement l’orifice, et procurent une sensibilité exquise.
Les artères et les veines de la partie supérieure du vagin viennent des hypogastriques, et celles de la partie inférieure ont leur principe dans les parties hémorroïdales. Elles se communiquent les unes aux autres, et sont destinées à les vivifier pour gonfler et raidir les corps caverneux par l’extrême sensibilité qui y règne. Le surplus du sang des artères est rapporté par les veines dans la veine-cave.
La matrice est un corps membraneux composé d’un tissu cellulaire de fibres, couvert d’une grande quantité de vaisseaux sanguins. Sa figure ressemble exactement à celle d’une poire, dont la cavité peut contenir une grosse amande. Sa longueur, depuis son orifice interne jusqu’au fond, est de trois travers de doigt ; sa partie postérieure est large de deux pouces, et l’antérieure d’un. Elle a un pouce d’épaisseur. Sa situation est dans la partie inférieure de l’hypogastre, entre le rectum et la vessie, où les os pubis la défendent par devant, et l’os sacrum par derrière ; mais il règne un certain espace entre eux et elle, ce qui occasionne dans le sexe la grosseur des hanches.
Son orifice, qui se joint à la partie supérieure du vagin, est fort petit, et ressemble assez au museau d’un chien ; sa cavité interne à la gorge de l’orifice, s’appelle col de la matrice. Sa surface est inégale, et pleine de rides, dans les intervalles desquelles on remarque plusieurs conduits très petits qui arrosent le col de la matrice pendant l’écoulement des ordinaires. Les flueurs blanches viennent des glandes qui sont à l’origine de ces petits conduits, et qui sont proprement le siège de cette maladie si commune aujourd’hui dans le sexe, qui la supporte sans faire réflexion qu’il porte un principe de mort : les remèdes en sont néanmoins à présent très connus.
Le col de la matrice a de petits trous qui sont les extrémités des conduits qui viennent des vésicules séminales, destinés à verser dans la matrice une liqueur mucilagineuse et spermatique, que les vésicules pompent et attirent des testicules ou ovaires de la femme, et qui, n’étant point une semence, en tient néanmoins lieu, par le plaisir qu’elle cause en sortant de ces vésicules, qui sont de petits corps sphériques servant de réceptacle à cette liqueur spermatique, qui y est introduite par les vaisseaux déférents qui prennent leur origine dans les ovaires. Ces vésicules sont nerveuses et musculaires; elles se dilatent par le mouvement des muscles accélérateurs qui leur font attirer la liqueur spermatique, qui dans le moment les oblige à se contracter, pour la pousser avec force dans la cavité de la matrice. Jusque-là la femme a agi toute seule ; et comme le mouvement particulier de ses organes nous étant bien connu, est suffisant pour nous mettre parfaitement au fait des causes puisées dans sa nature, qui sont relatives aux accidents de la fureur utérine, nous n’irons pas plus loin sur 1’usage de ses muscles et de ses fibres, dont la progression nous mènerait, comme malgré nous, aux principes et aux effets de la génération.
Nous nous réduirons à dire encore quelques mots sur la situation des veines, des artères et des nerfs, de la matrice et de ses ligaments, parce que toutes ces choses importent singulièrement à notre sujet ; et quoique les ovaires n’aient pas un rapport bien essentiel aux accidents dont je traite, je crois cependant nécessaire d’en faire connaître la nature, la situation et les effets, qui deviennent fréquemment la source de quantités d’accidents, par l’ignorance des pères et mères, ou de celles qui sont chargées de l’éducation de la jeunesse.
Les artères et les veines de la matrice viennent des hémorroïdales, des hypogastriques et des vaisseaux spermatiques qui s’anastomosent l’un avec l’autre. Les nerfs de la matrice viennent des intercostales et de ceux qui sortent de l’os sacrum. Il y a beaucoup de vaisseaux lymphatiques dans sa surface interne, qui, s’unissant peu à peu, forment de grosses branches qui ont leur insertion dans le réservoir du chyle. Tous les vaisseaux de la matrice rampent sur sa surface externe, faisant plusieurs tours et replis qui les garantissent de rupture dans l’extension.
La partie postérieure de la matrice ne tient à rien ; l’antérieure est attachée à la vessie et au rectum et chaque côté par deux espèces de ligaments qu’on divise en ligaments larges et en ligaments ronds.
Les ligaments larges ne sont autre chose qu’une production du péritoine qui part des côtés de la matrice. Ils sont composés d’une double membrane qui en contient une autre dans sa duplicature. On les compare communément, à cause de leur figure et de leur largeur, aux ailes des chauves-souris.
L’ovaire est attaché à une de leurs extrémités, laquelle a ses vaisseaux déférents, l’un qui s’insère dans le fond de la matrice, et l’autre qui va se rendre dans les vésicules séminales vers son col.
Les ligaments ronds naissent de la partie antérieure et latérale du fond de la matrice et, passant par les productions du péritoine à travers les anneaux des muscles obliques et transversaux de l’abdomen, vont se perdre dans la graisse auprès des aines, où ils forment une expansion en patte d’oie.
Il y a dans les femmes quatre vaisseaux spermatiques. Ils sont plus courts que ceux des hommes : chaque artère forme plusieurs plis et retours ; en descendant elles se partagent en deux branches, dont la plus petite va à l’ovaire, et la plus grosse se divise en trois, dont il y en a une qui se distribue sur la matrice, une autre au dessus du vagin, la troisième sur les ligaments de la matrice et les trompes de Fallope.
Les ovaires sont deux corps de figure ovale, un peu aplatis sur le devant, dont chacun est situé aux côtés, à deux travers de doigt ou environ de distance du fond de la matrice. Ces ovaires, que nous appelons aussi testicules de la femme, sont glanduleux et membraneux, et presque de moitié moins gros que ceux des hommes. Leur surface naturelle est polie ; ils sont couverts d’une membrane propre qui adhère fortement à leur substance, et d’une autre membrane commune qui vient aussi du péritoine, et qui couvre les vaisseaux spermatiques. Leur substance est un composé de glandes, de fibres et de membranes qui laissent de petits espaces entre elles, dans lesquelles il y a des vésicules rondes de différente grosseur, pleines d’une liqueur blanche. On en remarque quelquefois jusqu’à une douzaine dans un seul ovaire.
Je ne décrirai pas comment et sous quelle forme les nerfs sont attachés à l’ovaire, ou plutôt à ses interstices ; je ne dirai rien de la chute des oeufs, de leur fécondation dans la matrice, parce que ces spéculations sont très étrangères à mon objet ; mais je ne puis m’empêcher de parler de la chute contre nature de ces mêmes oeufs, parce que, comme je l’ai déjà annoncé, elle est une source d’accidents notables auxquels, surtout les jeunes personnes, sont sujettes.
Par cette chute contre nature, j’entends la chute des oeufs avant leur maturité, c’est-à-dire avant le terme prescrit par les règles ordinaires de la nature, soit dans l’ordre de la génération chez les femmes, soit dans celui du flux menstruel dans toutes les personnes du sexe.
Sa cause vient de quelque indisposition des ovaires qui les forment, ou de quelque impureté du sang qui se mêle dans la substance des oeufs, d’où vient qu’ils se détachent les uns après les autres avant le temps. Alors leur substance, semblable à celle d’un fruit avorté, ou piqué des vers, cause une grande irritation dans la cavité de la matrice, et par son âcreté mordicante incise les extrémités capillaires des vaisseaux sanguins, ce qui fait fluer longtemps le sang pur des veines ; c’est ce qu’on appelle perte de sang : première incommodité. La seconde, c’est qu’il en arrive les coliques les plus aiguës ; et la troisième enfin, qui est la plus dangereuse, ce sont des ulcères à la matrice. Heureux qui sait les connaître quand ils existent dans cette partie, plus heureux encore qui sait y faire parvenir les vrais spécifiques !
Lors au contraire que par quelque obstruction dans les viscères, ou par le défaut d’une bonne formation, soit aussi que par son propre vice, ou telle maladie que ce puisse être, le sang n’ait point la force de porter dans les vésicules ce suc précieux qui forme la fécondité de la nature, il s’ensuit la stérilité incurable quand le vice est dans les solides, ou bien la jaunisse et les pâles couleurs qui conduisent bientôt la malade au tombeau, si on n’a recours au plus tôt aux remèdes capables de rétablir les fluides.
On trouvera à la fin de mon Appendice de les Formules, deux spécifiques, dont on choisira le plus commode, suivant les situations des personnes et le goût de la malade.
Je me suis beaucoup plus étendu que le n’aurais voulu le faire sur le détail des parties organiques de la femmes ; mais j’en ai cru la connaissance si nécessaire pour la suite de cet ouvrage, que je me suis, par cette raison, beaucoup moins restreint que je ne l’avais d’abord projeté. Il convient à présent de donner une idée générale de la nymphomanie.

 

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