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M.-D.-T. de Bienville

Docteur en médecine


La nymphomanie ou traité de la fureur utérine


Dans lequel on explique avec autant de clarté que de méthode, les commencements et les progrès de cette cruelle maladie, dont on développe les différentes causes ; ensuite on propose les moyens de conduite dans les diverses périodes, et les spécifiques les plus éprouvés pour la curation,

(Amsterdam, 1771, in-8°)

Préface
Chapitre 1
Chapitre 2
Chapitre 3
Chapitre 4
Chapitre 5
Chapitre 6



CHAPITRE II  :
DANS LEQUEL ON EXPLIQUE EN GENÉRAL CE QUE C’EST QUE NYMPHOMANIE, OU FUREUR UTERINE.


On entend par nymphomanie, un mouvement déréglé des fibres dans la partie organique de la femme. Cette maladie est différente de toutes les autres, en ce que celles-ci attaquent subitement, et annoncent presque sur-le-champ, par des symptômes évidents, toute leur malignité : celle-là au contraire se cache presque toujours sous le dehors imposteur d’un calme apparent; et souvent elle est déjà d’un caractère dangereux, qu’on ne s’est pas encore aperçu, non seulement de ses progrès, mais même de ses commencements. Quelquefois la malade qui en est atteinte a un pied dans le précipice, sans se douter du danger; c’est un serpent qui s’est insensiblement glissé dans son cœur : heureuse si, avant d’en être mortellement blessée, elle a encore la force de se soustraire par une prompte fuite au cruel ennemi qui veut la perdre !
Cette maladie, surprend quelquefois les jeunes filles nubiles, dont le coeur prématuré pour l'amour a parlé en faveur d'un jeune homme dont elles sont devenues éperdument amoureuses, et pour la jouissance duquel elles trouvent des obstacles insurmontables.
On voit aussi des filles débauchées qui ont vécu quelque temps dans le désordre d'une vie voluptueuse, être tout d'un coup attaquées de ce mal; ce qui arrive lorsqu'une retraite forcée les tient éloignées des occasions qui favorisaient leur fatal penchant.
Les femmes mariées n'en sont point exemptes, surtout celles qui se trouvent unies à des époux d'un tempérament faible qui exige de la sobriété dans les plaisirs, ou à un homme froid peu sensible aux délices de la jouissance.
Enfin les jeunes veuves y sont souvent exposées, surtout si la mort les a privées d'un homme fort et vigoureux, dans le commerce duquel, par des actes vivement répétés, elles avaient acquis l'habitude des plaisirs, dont le délicieux souvenir occasionne chez elles des regrets amers qui produisent insensiblement des troubles, des agitations et des mouvements d'abord involontaires, mais dont les suites réduisent bientôt l'âme dans l'état le plus fâcheux.
Toutes, en un mot, dès qu'elles sont une fois atteintes de ce ma, s'occupent avec autant de force que de vivacité, et sans interruption, des objets qui peuvent porter dans leurs passions l'infernal flambeau de la lubricité, surtout si elles y sont portées par la véhémence naturelle du tempérament.
Elles donneront encore de l'extension à cette véhémence naturelle, si elles s'entretiennent avec des romans luxurieux, qui commencent par disposer le coeur aux sentiments tendres, et finissent par inspirer et apprendre les lascivetés les plus grossières. Elles augmentent les feux qui les dévorent, par des recueils de chansons, dont leurs voix passionnées chérissent et répètent sans cesse les airs et les paroles, qui soufflent dans leur âme le poison qui doit les tuer.
Dans les conversations particulières avec leurs compagnes, elles ont grand soin de faire tomber les propos sur les objets qui les flattent, bien loin de faire des efforts continuels pour les bannir de leur imagination. Si, malgré toute leur adresse, elles n'ont pu empêcher la conversation de tomber sur des objets étrangers à leur passion, elles tombent dans une langueur et un ennui mortel, qu'il leur est impossible de dissimuler.
Elles se déshonorent sans cesse en secret par des pollutions habituelles, dont elles sont elles-mêmes les infortunées ouvrières, quand elles n'ont pas encore ouvertement franchi les barrières de la pudeur; ou bien, quand l'impudeur commence à se mettre de la partie, elles ne craignent plus de se procurer cet affreux et détestable plaisir, par le secours d'une main étrangère.
Toujours disposées à prêter l'oreille aux compliments flatteurs et séduisants des hommes qui les environnent, elles craignent les occupations les plus légères, si elles sont capables de les détourner un moment des sales objets que leur imagination chérit.
De la promenade, où les jeux les plus innocents de la nature ont pris dans leur âme préoccupée la tournure des attraits les plus vifs de la volupté, elles passent à des tables somptueuses dont les mets âcres, piquants et empoisonnés, achèvent de mettre le sang dans un affreux désordre.
Les vins vigoureux dont elles sont sans cesse abreuvées, les liqueurs spiritueuses qu'elles avalent comme l'eau, l'abus qu'elles font du café et du chocolat, dont l'excès chez elles est prodigieux, toutes choses enfin dont une seule est capable de corrompre l'harmonie animale, et qui, réunies, mettent le comble aux feux qui les dévorent; tout cela porte dans les passions la torche ardente des plus honteuses et des plus excessives cupidités.
Je conviens que tous ces fâcheux accidents, dont on ne saurait tracer un assez hideux tableau, sont supportables dans les commencements; mais les tristes événements qu'ils produisent deviennent bientôt de la plus grande importance, si on n'embrasse au plus vite, et de la meilleure foi du monde, les moyens les plus sages pour en réprimer le cours. Les femmes, au contraire, qui n'ont point la force de reculer quand elles ont fait le premier pas dans ce dédale d'horreurs, tombent insensiblement, et presque sans s'en apercevoir, dans des excès qui, après avoir flétri leur gloire, finissent par leur ôter la vie.
Vous les voyez continuellement absorbées dans la même pensée, et leur plus grande crainte est d'en être distraites un seul moment. Elles ne songent qu'au fatal objet qui cause leur maladie; elles ne voient que lui, toutes les puissances de leur âme en sont comme immobiles ; elles n'aperçoivent et n'entendent plus rien de ce qui se passe autour d'elles, c'est là leur principale affaire; elles négligent absolument toutes les autres, même celles d'où dépend le bon ordre de leur maison, et par conséquent leur fortune. Tristes et mélancoliques, elles aiment le repos et le silence; et si elles l'interrompent, ce n'est que pour parler avec elles-mêmes : mais malheur à celui ou à celle qui osera venir troubler ce délicieux silence ! La violence qu'elles se font pour dissimuler les feux horribles qui les consument, achève de mettre le comble à leurs maux; mais cette violence est de peu de durée.
Un bel adolescent se présente à leur vue, que dis-je ? un homme tel qu'on veuille l'imaginer; car, dans le tourbillon de flammes qui composent leur atmosphère, les traits de feu qui partent de leurs yeux peuvent bien brillanter l'objet, quelque défectueux qu'il puisse être, jusqu'à transformer un Vulcain en un Adonis; cet homme donc, quel qu'il soit, devient à l'instant l'objet de leur cupidité. Leur oreille se prête avidement aux moindres choses flatteuses qu'on leur dit, et même les compliments d'usage deviennent à leurs sens des déductions très recherchées; elles y répondent d'un ton de voix et avec des gestes qui annoncent déjà une vive passion, et elles prennent au plus grand sérieux les plaisanteries usées qu'on veut bien leur faire. Non seulement elles se rendent avec beaucoup de facilité aux désirs qu'elles croient avoir fait naître, mais plus souvent encore elles osent les prévenir avec une impudence qui les flétrit.
Cette maladie, déjà trop violente, n'est pas encore à son dernier période : on en voit les accès augmenter de jour en jour, avec des caractères de malignité les plus effrayants. La sensation réelle des plaisirs, jointe à ceux dont l'imagination répète sans cesse les diverses images, rend en peu de temps les malades furieuses et effrénées; alors, franchissant les bornes de la modestie sans aucun remords, elles trahissent l'affreux secret de leur vilaine âme par des propos qui saisissent d'étonnement et d'horreur les oreilles les moins chastes; et bientôt l'excès de leur lasciveté ayant épuisé toutes leurs forces, elles secouent le joug imposant et glorieux de la pudeur, et avec un front ouvertement déshonoré, elles sollicitent d'une voix aussi vile que criminelle les premiers venus à répondre à leurs insatiables désirs. Si elles trouvent de la résistance, elles se flattent de la vaincre à force de séduction. Quel art n’emploient-elles pas pour cela dans leurs propos et leurs gestes ? Et quand un juste mépris est le paiement de ces avances, vous voyez ces monstres malheureusement revêtus d'une figure humaine s'abandonner à des accès de fureur, dont les suites sont de vous accabler hautement des plus injustes reproches. Elles vous poursuivent par des propos qu'elles inventent pour flétrir votre réputation, vous persécutent avec autant d'éclat que d'opiniâtreté; et après avoir fait mille tentatives contre votre repos - et votre gloire, elles se livrent avec violence, et même souvent sans précaution, à tout ce que la vengeance peut inspirer de plus cruel et de plus tragique.
Jusqu’ici cette maladie, quelque fâcheuse que nous ayons pu la peindre, n'a point passé les bornes du délire mélancolique; mais on va bientôt lui voir prendre tous les caractères d'une manie ouverte.
C'est alors qu'elles crient et s'emportent continuellement comme des insensées, qu'elles disent et contredisent, sifflent et applaudissent, nient et affirment, font des signes et des gestes ridicules, tiennent des propos qui leur sont propres pour émouvoir les passions des hommes; et afin d'y réussir plus sûrement, elles affectent des nudités qu'elles ont l'imbécillité de croire qu'on voudra bien attribuer à des distractions vives, qu'elles feignent assez maladroitement pour que le jeune homme le moins expérimenté ne puisse jamais être leur dupe. Si malgré tout on les désespère, elles se jettent sur vous toutes furieuses, et l'excès de leur frénésie vous donne à peine le temps d'échapper de leurs mains.
Quelqu'un qui n'a pas été témoin de ces cruels accès aura peine à se persuader les terribles vérités que je suis obligé de développer dans cet ouvrage. Avant d'avoir vu par moi-même les climats moins favorisés de la nature, où le sang, au lieu d'être animé par un air sulfureux et balsamique, est sans cesse altéré par des pelotons de glace, qu'on y dévore par la fatale nécessité de respirer; où, au lieu des parfums qui lui donnent de l'action et de la nourriture, on est sans cesse environné de molécules froides, humides et très malfaisantes, qui détruisent les parties spiritueuses du sang, dont la circulation est toujours languissante dans les veines, et par conséquent incapable de se réparer; avant, dis-je, d’avoir parcouru ces climats que je croyais heureux, parce que, selon moi, les mortels devaient y être moins en proie aux passions qui, toutes célestes dans leur principe, deviennent cependant par nos abus des sources inépuisables de disgrâces; avant que par une fatale expérience, aussi humiliante pour l'humanité que désolante pour l'honnête homme qui s'occupe avec tendresse du bonheur de ses semblables, j'aie été parfaitement instruit que le feu de la lubricité, bien plus fort et plus actif que celui de la nature, ne connaît point la différence des climats ni des constitutions, mais brûle partout et en tout avec le dernier excès, jusque dans les antres les plus glacés; j'aurais cru avec tout le monde que cette maladie devait presque être ignorée dans les pays froids : c'est pourquoi, dit un grand homme, dont je ne suis pour ainsi dire que le traducteur, j'ai vu sans surprise le silence des auteurs nés dans ces climats, sur une matière aussi importante. Mais, ajoute-t-il, je ne peux cacher mon étonnement, quand je vois les plus célèbres auteurs de l'antiquité, habitants des pays méridionaux, tels qu'Hippocrate, Galien, Celse, Paul ægineta, qui ont traité de la médecine dans la Grèce et l'Italie, observer un profond silence sur la fureur utérine. Mais je suis encore plus surpris que des médecins qui ont vécu dans des siècles moins reculés, et qui ont acquis une grande réputation parmi nous, surtout ceux qui ont passé leurs jours dans des climats chauds, où l'on présume que cette maladie est plus commune, tels qu'Arnaud de Villeneuve, Valescus de Tarente, Bernardus Gordonius, Guillaume Rondelet, de Narbonne, Antoine Guainier, Alexandre Benedetti, Italien, qui tous ont traité ex professo, des maladies des femmes, semblent comme avoir affecté de ne pas dire un mot de la fureur utérine.
Soranus, médecin Grec (c'est toujours le même auteur qui parle) un peu plus ancien que Galien, qui s'est acquis beaucoup de réputation sous l'empire de Trajan, est le seul de l'antiquité qui ait écrit sur cette matière. Nous n'avons plus cet ouvrage; mais Aëtius, liv. XVI, chap. LXXIV d'un Traité qui a pour titre De la Médecine tirée des anciens, avoue que ce qu'il dit de la nymphomanie dans ce chapitre, est extrait de Soranus ; mais comme l'inscription est de Janus Cornarius, qui a traduit en latin les ouvrages d'Aëlius, M. Astruc, voulant puiser dans les sources grecques le véritable nom de cette maladie, a parcouru les seize livres en manuscrit d'Aëtius, qu'il a trouvés dans la bibliothèque du roi de France, et il y a vu que le titre du chapitre en question est Nicolas Myrepsus, d'Alexandrie, parle d'un antidote dont il loue l'excellence contre la nymphomanie; mais il n'en dit rien de plus : on doit cependant présumer que c'est de la fureur utérine dont il a entendu parler.
Zanaras, page 23, tome III, de ses Annales, rapporte qu'Eusébie, femme de l'empereur Constance, fils de Constantin le Grand, fameuse par sa beauté, mais plus connue encore par ses disgrâces avec son époux qui était faible, froid, et conséquemment très peu propre aux plaisirs dont il se privait à cause de ses infirmités habituelles, est tombée dans une langueur mortelle, à laquelle ont succédé les accès les plus violents de la fureur utérine, qui ont terminé ses jours, avant ceux de Constance.
Outre le terme de nymphomanie que nous adoptons pour exprimer cette maladie, on lui donne encore différentes dénominations. Moschio, médecin grec, l'appelle satyriasis, d'autres métromanie, d'autres érotomanie, qui signifie manie d'amour; mais tous ces noms étant arbitraires, nous nous en tiendrons à celui de nymphomanie, toutes les fois qu'il sera question de la fureur utérine.
Je m'attends que ce livre excitera bien plus la curiosité des jeunes gens que celle du sexe; je croirais donc manquer au zèle que je leur ai particulièrement voué, si le terminais ce chapitre sans leur offrir un puissant correctif pour l'idée favorable qu'ils ont de leur force et de leur excellence au-dessus de la femme : cet antidote est l'Onanisme de M. Tissot. Tout ce que je pourrais dire à cet égard ne pourrait jamais atteindre l'énergie et la vivacité des tableaux de ce grand homme: je pourrais être aussi vrai que lui, mais non aussi intéressant. Combien s'en trouvera-t-il qui, après la lecture de cet important ouvrage, se replieront sur eux-mêmes avec des craintes fondées et salutaires, qui produiront sur eux le commencement de la sagesse ? Ils seront sans doute les plus fortunés. Mais combien d'autres verront-ils naître à l'instant, du fond de leur âme, non cette crainte consolante qui vient d'une juste horreur du crime, mais une foule d'accusateurs désespérants qui les feront frémir à la vue des maux physiques auxquels ils se sont exposés par leur propre faute? L'horreur des accidents actuellement existants, celle de ceux qui doivent en résulter nécessairement, jettera dans leur âme cette langueur mortelle, persécutrice éternelle et infatigable des criminels qui n'ont pas craint de travailler à la destruction de leur être.
Une lueur d'espérance viendra les tirer de cette espèce d'anéantissement; ils auront entendu parler d'un de ces hommes bien plus chers à leurs semblables, qu'ils n'en sont véritablement chéris, bien moins respectés, qu'ils sont respectables par la tendresse philosophique avec laquelle ils s'occupent des maladies peu apparentes, mais évidemment contagieuses et mortelles, qui désolent l'espèce, et qui assomment sans que le malade fournisse à celui qui le traite d'autres lumières que celle qu'il puise dans sa propre expérience, et dans une étude d'autant plus laborieuse, que l’équivoque se présente sans cesse pour obscurcir ces mêmes connaissances qu'il croit avoir acquises; et que souvent cette équivoque est appuyée par la honte opiniâtre et déplacée du malade, qui se flatte toujours de sauver sa vie et son honneur en usant des secours généraux de la médecine.
Je suppose donc qu'ils iront trouver cet homme célèbre avec toute la confiance qu'inspire l'excès du malheur : qu'en arrivera-t-il? L'épouvantable peinture qu'un honnête homme, qui ne veut point se déshonorer par un pronostic flatteur, est obligé de leur faire des désordres qui existent dans leur économie animale, peinture qui est dans ce moment le frein le plus respectable qu'on puisse opposer à l'excès de leur passion et de leur brutalité, peinture dont ils sentent la vérité par la consomption douloureuse, et souvent désespérante, dont ils sont jour et nuit les infortunées victimes; cette peinture, dis-je, qui n’est encore ordinairement qu’une ombre qui voile à leurs yeux une infinité d'autres conséquences bien plus fâcheuses, jette leur âme dans un abattement qui leur ôte le courage de prendre les moyens longs, ennuyeux et pénibles, mais cependant uniques pour remédier à leur cruelle situation. D’autres, plus courageux, entrent dans la carrière; mais bientôt l’inconstance les saisit : abandonnant l'efficacité des remèdes, ils se servent du peu de force qu'ils ont recouvré pour retourner à leurs premières horreurs, dans lesquelles ils périssent. Quelques-uns, ce qui est assez rare, entreprennent, avec autant de bonne foi que de confiance, les moyens de les guérir. Une cure radicale devient enfin le prix de leur docilité. Quelques autres, malgré la bonté du régime et l'habileté du médecin, ne sont plus susceptibles de la salubrité des remèdes, et se voient condamnés, pendant le peu de temps qui leur reste à vivre, à traîner des jours languissants, trop heureux quand les instants de ces jours infortunés ne sont point marqués par des accès de douleurs aiguës et lancinantes, qui entraînent après elles le désespoir avant la mort.
Toutes ces menaces que nous ne cessons de faire aux libertins des deux sexes, ne seraient point capables d'opérer en eux le plus faible retour à la vertu morale ou chrétienne, si quantité de raisonnements puisés dans la nature, si une infinité d'expériences connues et très confirmatives de ces raisonnements ne portaient dans leurs esprits un caractère d'évidence, qui ne les persuade que parce qu'elle les fait frémir.
Ce serait bien en vain qu'une foule de philosophes chrétiens leur crieraient sans cesse que l'incontinence, et surtout celle dont nous traitons ici, est un crime absolument abominable, si un bon physicien ne venait à leur secours, pour démontrer comment ce crime les conduit à la mort avec autant de cruauté que de promptitude.
Combien ai-je vu de jeunes gens plongés dans ces abominations, ressentir pendant longtemps les maux les plus cruels, sans se douter un moment des horribles causes qui les avaient produits? Ils n'avaient garde de soupçonner que des passe-temps qui leur faisaient éprouver des sensations aussi délicieuses, pussent être le germe de leurs douleurs. Que leurs yeux se dessillent donc enfin à la faveur du flambeau que je leur présente; qu'ils apprennent et admirent la construction de leur être; qu'ils s’instruisent à chérir et à respecter l'ordre de leur existence, qu'ils évitent ce qui peut en troubler l'importante harmonie, et que tout ce que je viens de leur dire jette dans leur âme un fond inépuisable d'aversion et d'horreur pour les abominations qui les flétrissent, les déshonorent et les anéantissent. Que ceux qui n'auront point assez de religion pour craindre d'outrager l'Auteur et le Maître suprême de leurs jours, soient au moins arrêtés par le spectacle épouvantable des maux sans nombre dont ils seront affligés, et dans le supplice desquels ils joueront tout à la fois les rôles désespérants de bourreaux et de victimes.

 

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