
On m’a dit qu’un conseil scientifique s’est créé au Luxembourg, composé de 6 membres qui eux sauraient quelles sont les psychothérapies sérieuses et efficaces ou non. Cela doit être des gens très savants.
Il y aurait un professeur en psychologie de l’Université qui lui-même n’aurait jamais pratiqué ni la psychothérapie ni la psychologie clinique. Il serait d’avis qu’il n’est pas nécessaire de pratiquer soi-même pour pouvoir évaluer les pratiques des autres. Il est vrai qu’une telle pratique pourrait entamer sa belle croyance dans la science.
Imaginez un chirurgien n’ayant jamais opéré quitte à avoir étudié toutes les techniques et tous les protocoles opératoires des autres. Lui demanderait-on d’évaluer la pratique de ses collègues? A lui qui n’aurait jamais vu de ses yeux que l’anatomie individuelle n’est pas une copie conforme des dessins dans le livre ? En psychothérapie c’est peut-être différent. Je veux bien y réfléchir si on m’explique. L’abstinence, ne pas prendre la place, ne pas s’y prêter, le savoir vierge, la science qui garantirait. Freud n’avait pas pensé à cette piste quand il s’est posé la question de comment manier les mouvements transférentiels entre patients et psys. L’abstinence par l’abstinence.
Et moi, que vais-je faire maintenant?
Que me conseillerait le professeur?
Madame, réfléchissez bien, prenez plutôt des médicaments ou faites du sport. Si vous voulez absolument prendre le risque d’une rencontre avec vous-même et avec un psychothérapeute, choisissez-en un qui a une pratique scientifique reconnue par nos soins. Cela pourrait diminuer les risques qu’une rencontre ait lieu, rencontrez plutôt une belle théorie qu’un affreux inconnu.
Et cela va m’aider, docteur?
Vous, on n’en sait rien, mais les chiffres disent que c’est efficace à tel pourcentage sur tel type se symptômes. Vous croyez aux chiffres, j’espère?
Merci docteur, je pense que je vais m’abstenir et continuer à chercher le meilleur, le meilleur pour moi.
Curieux chirurgiens en effet, que ceux qui n'ont besoin ni d'étudier ni d'exercer (heureusement !) leur art pour s'en proclamer experts. Mais voilà : ne s'agissant ni d'art, ni même de métier, nos nouveaux chirurgiens de l'âme convoquent une « science » jamais définie, impossible à questionner, et qui se passera de toute expérience et de tout savoir-faire.Pourtant, jusqu'à récemment, l'on pouvait croire qu'il n'en allait pas autrement en sciences. Est scientifique, pensais-je naïvement, celle ou celui qui pratique la science. Et la science ne tient pas seulement dans un certain type de savoir, mais encore dans certaines pratiques, bien déterminées, d'acquérir ce savoir et de le remettre en question.Curieux scientifiques encore, que ceux qui n'ont besoin ni de laboratoire, ni d'expériences scientifiques pour savoir.Comment savent-ils alors ? Et pourquoi en sont-ils aussi sûrs ?La religion est une culture de la foi, disait apparemment Richard Feynman (un faux scientifique, sans doute), et la science une culture du doute.Loin s'en faut. Il semblerait donc aujourd'hui que ce doute a largement été surestimé. Finie la science démocratique où l'on discutait et expérimentait. Voici venir la science aristocratique, la science des « meilleurs », la science qui vous dit « bouclez-la, écoutez et apprenez ! »Un air si connu … Où ai-je donc déjà entendu cette chanson ?